Exposé de la conduite du général Rigaud dans le commandement du département du Sud de Saint-Domingue, adressé au

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Bonnet, Guy Joseph (1773-1843). Auteur du texte. Exposé de la conduite du général Rigaud dans le commandement du département du Sud de Saint-Domingue, adressé au Directoire exécutif par le citoyen Bonnet, aide-de-camp dudit général. 1798.

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EXPOSÉ

De la conduite du General Rigaud , dans le commandement du Departement du Sud de

: Saint-Domingue ^

ADRESSÉ AU DIRECTOIRE-EXÉCUTIF,

f&££&                Aide-de-camp dudtt

j                     • Général.                    \

^vT..Jti/|A R G E spécialement par le général Rigaud dp. soumettre an Gouvernement des renseigneniens exacts sur la situation présente dù département du Sud de Saint-Domingue , et sur la conduite particulière que ce général a tenue dans les derniers événemens qui ont agité cette colonie j je me serôis acquitté dès long-temps dé ce‘devoir y si depuis près d’une année je n’avois été arrêté par les Anglois , qur m’ont plongé dans une longue et douloureuse captivité , et si l’intrigue et la calomnie de quelques individus , auteurs de tous les désastres de Saint - Domingue , n’avoient suspendu la justice du ministère,et sollicité celte consigne inique , qui m’a retenu quatre mois à Cherbourg avec les députés des départemens du Sud et de l’Ouest. '

1       . J’ai saisi mes premiers jours de liberté pour transmettre au.

Directoire tous les sentimens de ma reconnoissancey et les témoignages éternels de mon dévouement : j’espère également de ■ ses soins publies ? qu’il lira avec intéiêt ce, mémoire , qui présente les faits les plus vrais commfe les plus précieux ; qu’il tournera ses regards sur les liabitans.de S. Domingue , qui sont aussi les enfans^de la République , et qu’il étendra ses sollicitudes sur ce lie colonie, trop long-temps négligée, qui abesoin, dans ces mo-

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mens d’anxiété et de renaissance, de sa surveillance la plus active-

Pour rendre plus intelligibles les détails dans lesquels je vais entrer , il est absolument nécessaire que je donne une idée de la situation politique , et de l'esprit général de la colonie de Sainte Domingue à l’époque de l’arrivée des agens du Gouvernement.

Il a existé , dès le commencement de la révolution, trois partis bien prononcés à Saint - Domingue , le parti dit des léopar-dins, le parti des pompons blancs et le parti de la liberté. Je garde pour celui—ci le nom de parti, et je rends aux autres le nom affreux de faction, qui caractérise leur but atroce. La faction léopardine , dirigée par l’assemblée de Saint-Marc , avoit conçu le projet de profiter des troubles politiques de’lamère-, patrie ; pour se mettre à Saint-Domingue à la tête d’un gouvernement indépendant sous les auspices de la puissance Angloise. La faction des pompons blancs vouloit rester attachée à l’ancien gouvernement, dont elle s’obstinoità imaginer le retour nécessaire, et vouloit défendre et conserver tous les privilèges que cet ancien ordre de choses lui assuroit. Le parti de la liberté étoit le parti sacré de l’éternelle raison , destiné par sa nature même à triompher de tous les efforts du crime , de la tyrannie et de l’erreur ; et à se faire des prosélytes de tous les hommes dignes du nom d’homme. Dans ce dernier parti étoient tous les blancs. Vertueux et magnanimes, tous les noirs ci-deVant esclaves et désarmés , et les hommes de couleur dont le plus grand nombre étpit libre , instruit et propriétaire , mais qu’un préjugé, aussi cruel qu’injuste ét dénaturé , séparoit encore dans l’opinion de la caste des dominateurs. On sent que le parti de la liberté avoit dans ceux-ci un appui très-puissant et très-actif, et qu’ils étoient pour les philantropes blancs, et pour les noirs affranchis, des garants surs d’une fidélité inviolable aux principes de l’égalité des droits. La nature semblait lés avoir placés entre la famille innombrable des noirs y et la famille trop peu nombreuse des blàiics , comme un terme moyen d’amitié, de bienveillance et

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d’amour, dans lequel dévoient s’absorber toutes les haines, toutes les injustices , toutes les vengeances* On peut dire que la nature prévoyante avoit introduit exprès cette nouvelle racë d’alliance entre deux races trop long - temps divisées, pour les faire embrasser bientôt sous les auspices de la liberté. Les hommes de couleur ont rempli avec un saint zèle ces fonctions augustesnie conciliation , auxquelles leur destinée les appeloit. Enfans de deux familles du genre humain , ils ont rappelé l’une et l’autre à l’humanité qui les unissoit. Le souvenir de la tyrannie dans les uns , et le désir de la vengeance dans les autres } a cédé ati souvenir de leur longue alliance } dont les hommes de couleur sont le gage bienfaisant. Et dans ce passage brûlant de la tyrannie à l’égalité, de l’esclavage à la liberté, les hommes de couleur n’ont cessé de bien.mériter de la patrie j de l’humanité , de la nature.. Fidèles à leurs parens des deux couleurs , enfans de l’Europe et de l’Afrique rapprochées ? ils n’ont jamais oublié que le sang qui coule dans leurs veines est un sang d’alliance et de paix i et leur vigilante piété n’a cessé de garantir à leurs pères et à leurs frères leurs droits les plus sacrés. Les noirs ont trouvé en eux: un appui certain qui les rassuroit contre ïe rétablissement de l’esclavage de la part des blancs. Les blancs ont trouvé en eux un appui contre les vengeances des noirs. Les homrhes de couleur ont trouvé leur bonheur et leur sûreté dans le salut de tous. Et la politique la plus rafinée ne pouvoit inventer ; au milieu de -tant de violences ? un moyen de neutralisation plus puissant. On n’hésite pas de le dire, les hommes de couleur ont été dans le nouveau monde le gage de la réconciliation du genre humain.

On voit que la nature et la raison avoient assuré à Saint-Domingue le parti de la liberté , et que tous ceux qui ïe composoient ¿voient des vîtes, trop élevées et des intérêts trop grands pour qu’on puisse jamais soupçonner leur volonté 7 pour qu’on puisse ne pas être certain de leur tendance continue à priser les bienfaits de la mère-patrie. Il n’en est pas de même des deux factions qui lui

étoient en opposition. Le crime et la trahison qui les caractéri-soient, les ont obligés à se masquer, à changer continuellement de système, de principes et de marche. Et l’on a vu la faction léopar-dine opposée dans tout le reste à celle des pompons blancs , se réunir fortement à celle-ci toutes les fois qu’elle a cru pouvoir par cette réunion écraser le parti des amis de la liberté. Ces deux factions ? lassées des échecs qu’elles ont éprouvés à tant de reprises , ont enfin paru se réunir définitivement à l’arrivée des agens du Gouvernement 7 en floréal de l’an 4, pour circonvenir cesagens, en outrant toutes les mesures révolutionnaires, en affectant le fanatisme de la plus excessive liberté, et en se faisant appliquer ainsi toutes les places et toute l’autorité. En changeant de marché , ces hommes perfides n’ont point changé de but, et le premier et le principal usage qu’ils ont fait de la confia.nce et de l’autorité , a été de déverser sur les hommes de couleur toutë la défiance y toute la haine , toutes les rigueurs du Gouvernement., jusqu’à proposer de les déporter en niasse : certaine qu’étoit cette faction liberticide, de remettre bientôt les noirs dans l’esclavage , si elle pouvoit se débarrasser de ces intermédiaires, énergiques qui sans cesse opposoient des obstacles insurmontables à ses entreprises;

Mais Sonthbnax qui les connoissoit, et qui les a si bien signalés dans ses débats coloniaux , n’a pu prendre le change sur leurs intentions criminelles , et n’a fait ? en les soutenant, que déchirer le voile dont .il-s’efforce en vain de couvrir les projets de domina tioiiré elle dont 011 l’accuse trop justement.                      .     /

Tous les -citoyens de la partie du Sud de Saint—Domingue , attachés à la métropole par tous les noeuds de la fidélité et de la recounp^sançe ,.n’ont cessé de donner les preuves le,s plus fortes de leur amour ardent pour la République 7 et de leur zèle assidu pour la prospérité de la colonie. Mais le général Rigaud surtout n’a cessé par son activité , par son courage et son énergie , d’as-sqret\lq bq^heur public dans ces contrées , d’affermir sur le bri-

} sement des préjugés le règne des lois nouvelles, d’épouvanter p        les Anglois dont il a surmonté tous les efforts ? et que ? probable^

|        inent, il auroit chassés entièrement de la colonie ? s’il avoit reçu

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de la commision du Gouvernement , ou du général en chef La-vaux , les secours en armes et en munitions qui lui ont toujours manqué, et qu’il n’a cessé de réclamer. Malgré, ce dénuement, peut - être apprendrez. — vous sous peu , citoyens Directeurs ,. l’expulsion totale de ces brigands ? ennemis acharnés de nos droits reconquis , et qui, malgré, leur puissance infinie , ont toujours cédé à la valeur et à la fidélité des républicains.

Le simple récit des opérations du général Rigaud ; une suite de faits certains et prouvés pes témoignages d’estime et de félicitation que ce général a reçus de la Convention j sa conduite toujours' égale et toujours désintéressée ? la prospérité éclatante du département du Sud, démontreront que., zélateur-ardent de.la liberté j 4 il n’a cessé de la servir depuis qu’il a été appelé au comman-, dement de ce département. .    .

Les commissaires civils Polverel et Sonthonax, aù moment de' leur rappel en France ? (prairial an 2 ) laissèrent la partie du Sùd ? et les quartiers de l’Ouest y attenants , aux soins civiques et au zèle brûlant de Rigaud ÿ qui, à. cette époque , àvoit été blessé dangereusement , lorsque son intrépidité l’avoit jeté sûr les" Anglois à l’affaire de Tiburon. Ce général sentit .tout-le poids de cet honneur 5 il n’accepta que d’après .les conseils de .Polverel,, qui , dans une lettre particulière ? s’exprimoit ainsi. f: « Ce n’est. » plus le commisssaire civil qui vous écrit. Sonthonax et moi. » sommes rappelés en France , nous partons j et il est probable » qué'nos successeurs arriveront bientôt/ En attendant, c’est sur » vous seul que reposent daûs votre - département le salut de la û colonie et la défense de la liberté et de l’égàlïté. Je suis-tran-». quille sûr ce département /-parce que je vous- connbis intré-» pide et loyal républicain. » Cette lettre est du r ï juin 1794* 1

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D’après cette .marque chine insigne confiance ^ Rigau d n’ac-f çepta donc que parce que tout citoyen doit\sa vie et ses moyens à la sûreté générale ; il n’accepta que dans l’espoir certain d’être bientôt déchargé des fonctions aussi pénibles que redoutables dont il se vit revêtu dans un dénuement absolu de tout appui.

Les ïAnglois étoient alors très-formidables dans cette fraction , de la colonie. Un aspect désastreux s’ottroit de toutes parts. La culture étoit perdue j’ia caisse publique épuisée , le commerce anéanti, la misère à son comble ? et la famine promenoit partout ses ravages. L’anarchie et ses désordres dominoient dans toute leur impunité. Sonthonâx, en nous faisant ses adieux, avoit lancé un décret qui n’avoit fait qn?accroître le désespoir; et par un dernier coup de sa politique atroce, il àvoit conseillé aux Africains dégorger tous les anciens libres ( i ).

D’un autre côté , les propriétaires d’esclaves conservdient encore une grande autorité ; ils soupiroient après la domination angloise ? ils étoient prêts de leur livrer les débris de la colonie ; et les Anglois eurent encore l’audace de sommer les mulâtres et les nègres de mettre bas les armes sous peine delà mort. D’après cette exposition rapide 7 on doit pressentir quel zèle et quelle ardeur devoit avoir le vertueux Rigaud pour rétablir l’ordre au milieu de cette déflagration générale. ,

Rigaud ; afin d’obtenir les lumières et les conseils que sa situation présente éxigeoit, entreprit malgré toutes les difficultés > malgré les vaisseaux anglois qui bloquoient toutes lés mers ; de correspondre avec le général Lavaux , qui se trouvoit à l’autre

( i ) Ce fai* a été déposé par tous les officiers de la garnison de Jacmelt pfi Sonthonâx, s'est embarqué pour France: le mémoire qui le contient a été adressé t par le général Beauvais f à la Convention,nationale. > ) , , . . . ;

extrémité de l’isle. H parvint à lui transmettre ses demandes, quoique les proclamations des commissaires 7 en date du zS novembre 1793 et 11 avril 1794 ? l’autorisassent à ne prendre des ordres que lors de la libre communication entre les divers points de la colonie. Le général Lavaux, applaudissant à sa démarche y lui répondit qu’il n’avoit point d’ordre à lui donner ; mais qu’il l’invitoit à faire pour la défense et le salut du pays, tout ce que sa position et son zèle pourroit lui permettre.

Les premiers pas que fit le général Rigaud ¿dans la carrière dangereuse qu’il avoit à parcourir , furent de rétablir l’union entre les divers commandans qui agissoient sous ses ordres. La moindre mésintelligence suffisoit sans doute pour ruiner encore davantage les affaires publiques. Une vive contestation ? survenue entre les citoyens Montbrun et Beauvais y tous deux commandans dans l’Ouest ; força le général Rigaud , qui fut appelé par eux et leurs officiers , à se rendre à Jacmel. 11 applanit toutes les difficultés, étouffa les divisions j et sa présence fut si salutaire , que la prospérité de cette contrée atteste encore les heureux effets de cette réconciliation.

Le général Rigaud rétablit également partout la.tranquillité publique ; enflamma tous les courages pour la conservation de la liberté , et unit toutes Jes haines contre les Anglois. 11 ne concentroit pas son activité seulement pour la défense commune , mais il la donnoit encore aux soins des cultures. Il réprima le vagabondage, attacha les agriculteurs à la terre , en leur faisant sentir le prix du travail et le tribut qu’ils de voient par leur assiduité à l’armée chargée de les défendre. Ces nouveaux libres sentirent sans peine qu’ils ne pouvoient prouver d’uue manière plus vive , à la métropole , leur reconnoissance , qu’en travaillant, plus que sous leurs maîtres farouches > à féconder le sol d’une colonie pu jls açquéroient le droit de citoyens.

Le général Rigaud ? -de concert avec l’ordonnateur -Gavanon ,

établit provisoirement des . réglemens indispensables pour le bien des cultures ( i ) ; des inspecteurs choisis parmi les hommes les plus, humains des anciens conducteurs , et lés plus instruits dans, ces opérations, furent commis à cette surveillance. Ces inspecteurs particuliers ressortirent à un inspecteur général. Le citoyen Le franc 7 commandant des quartiers, de Saint-Louis 7 fut élu.pour remplir cette place pénible. Le zèle avec lequel il exerça cette fonction a puissamment contribué à la restauration des cultures ; c’est ce même citoyen, qui fut. calomnié depuis avec tant d’impudence par les agens de Sonthonax , lorsqu’ils vinrent dans le Sud pour insurger les noirs , pour ravager toutes les cultures ? et pour remettre tout dans le bouleversement et la confusion.

Le général Rigaud tourna ensuite ses regards sur la force militaire qui languissoit dans un état pitoyable. Les soldats étpient sans armes , sans solde , mal nourris , mal vêtus ; on avoit combattu jusqu’alors sans armes dans ce pays ; la pénurie d’espèces qui existoit dans le trésor de la République ; ayoit supprimé la solde, et la disette, produite par l’iuterruption du commerce , faisoit qu’on ne pouvoit obtenir ni moyen de nourriture ? ni secours de vêtement.

L’armée étoit à peine organisée, autant quel’avoient permis ces misérables conjonctures , lorsque les hommes de couleur de Léo-gane , qui alors étoit sous le joug des Anglois , appelèrent Ri-j

gaud à leur secours. Ce général s’empressa de profiter de ces favorables dispositions 7 et son armée, après des marches forcées, étoit déjà aux portés delà ville , lorsque tont-à-coup 7 du fond!

des pièces'de cannes qui se trouyoient près de lui , il vît sortirj

les principaux citoyens qui l’avoierit sollicité. Cés hommes lui apprirent qu’une trahison s’étoit manifestée , que le projet des

( i Ces réglement étoiériî ¿¿traits des proclamations de fol- ■ verel -, je défie qui què ce sdù dléfi'1 citer 'un seul qui ne soit frappé au coin de la sagesse^ dç fa justice etdçffaw^

républicains a Voit été découvert, et que les plus effrénés royalistes s’étoient emparés des forts ; qu’une partie des républicains avoit d’abord pris la fuite ; pour se soustraire à la fureur des royalistes 7 qui. tous étoient complices ardens des Anglois 5 que l’autre partie étoit réduite à se cacher dans la ville 5 que dans cette désunion forcée des amis.de la France 7 il étoit presqu’impossible de faire réussir un tel projet. Ils invitèrent Rigaud à se retirer , tant pour épargner un échec à son armée, que pour sauver les républicains qui étoient dans la ville, en lui observant que c’é-toit les exposer aux plus grands dangers ; s’il bazardoit une at- ' taque qui ne seroit pas suivie du succès. Mais ce général, à qui le sentiment de la crainte est inconnu ? rejeta ces considérations^ Brûlant d’ardeur, et animant l’audace de ses soldats ^ il tomba, avec impétuosité sur Léogaue et l’enleva d’assaut.

Cet événement mémorable eut lieu dans la nuit du i5 au i& Vendémiaire an 3. La reddition de la ville entraîna en meme temps celle du fort qui commandoit la mer.

Après avoir donné à cette brillante conquête tous les moyens de défense nécessaires , il se rendit aux Gayes , pour presser une attaque nouvelle, contre Tiburon , place forte , d’où lés Anglois incommodoient tous les jours les terres républicaines.

Après une attaque vigoureuse , Rigaud se rendit maître de Tiburon, le g nivôse. L’ennemi perdit, avec cette ville 7 une corvette qui fut détruite 7 et huit cens fusils qui servirent à augmenter les forces républicaines.                :

Peu deitemps après on apprit qu’il s’étoit formé, au Port-Républicain 7 un parti en faveur de la République , et qui- n’attendoit que la présence de l’armée républicaine pour se montrer. Le général Rigaud 7 sans perdre un.instant, rassembla de suite une armée pour voler au secours de ses concitoyens, et les délivrer de l’oppression des Anglois j il ne négligeoit aucun des moyens qui pouvoient lui faire espérer la victoire.

Le 18 ventôse nous commençâmes l’attaque du Port-Républicain par le fort Biroton. La victoire complette que nous remportâmes à la bataille du ^ germinal, dans la plaine de Truitier, nous faisait espérer de remporter de plus grands succès à l’avenir.

Sur ces entrefaites , arriva à Jacmel la corvette le Scipion ) de la Guadeloupe. Le commandant se rendit au quartier général , lit offre de quelques munitions 7 et se présenta pour concourir avec sa corvette à une expédition projettée contre les Irois. Persuadés qu’il étoit dans l’intention de Victor Hugues , de joindre ses moyens militaires au succès de la République ^ les généraux Rigaud et Beauvais ( i ) acceptèrent ses offres , et invitèrent le citoyen Ollivaùd 7 commandant de ladite corvette 7 à se réunir à une petite flotiJIe , que le zèle seul des républicains avoit formée , et qui ¿marchoit aux Irois.

Victor Hugues ; ennemi cruel des hommes de couleur’, qui avoit été nourri à Saint-Domingue dans toute la férocité des préjugés ; se souleva quand il apprit que i’un de ses officiers avoit osé combattre les ennemis de la République sous des chefs mulâtres. C’est ainsi qu’un agent de la métropole, par ses menaces et ses insultes 7 cherchoit à avilir des hommes fidèles ? et qui avoient donpé des preuves d’un dévouement sans bornes aux intérêts de la mère-patrie.

Pour presser plus vivement le siège du Port-Républicain, on sentit qu’il étoit nécessaire de faire attaquer Saint—Marc dé • nouveau , (x) afin d'ocCuper les Anglois sur tous les points

( i )- Le général Beauvais commandait l'armée en second.

à-la-fois : Rigaud en fit la proposition au général Lavaux. Celui-ci a y refusa , et dans son séjour paisible au Port-dë-Paix, il se répandit en invectives contre la témérité du général Rigaud. Ses refus ne venoient que de sa jalousie de voir des nouveaux libres servir avec tant de gloire et de succès la République, lorsque lui-même , indifférent au progrès de la liberté, s’endormoit dans une lâche et perfide inaction.

Le général Lavaux, au lieu de se rendre à cette invitation $ joignit à ses refus ? le conseil de lever le siège. Un pareil avis , de la part d’un chef ; fut regardé comme un ordre.

Plusieurs autres contrariétés , il est vrai, y contribuèrent également : les pluies continues ^ les routes impraticables y les transports rendus impossibles } etc.

Les Anglois ayant été instruits ? d’après les lâches insinuations des émigrés, que les républicains du Port-au-Prince, avoient voulu favoriser les Français ^ tournèrent en particulier toute leur rage contre les hommes de couleur, qu’ils massacrèrent avec un rafinement de barbarie sans exarnple. (i)

Ce fut après cet échec occasionné par- toutes ces calamités 7 que parût cette diatribe de Victor Hugues ; qui insultoit à la valeur des citoyens de couleur de Saint-Domingue, et ain— nonçoit d’un ton superbe l’extinction des mulâtres dans son gouvernement. On doit pressentir quel effet cette provocation devoit faire sur des hommes braves, sensibles , et justement inquiets. Rigaud ne tarda pas à instruire la Convention nationale de toutes ces- manœuvres employées pour le mettre >

par son inactivité même ; en état de favoriser lès Anglois, et pour troubler la colonie par des invectives qui tendoiênt à en 'avilir tous les habitans.

Au milieu de ces mouvemens militaires, la culture n’en prospéroit pas moins ; l’abondance j fruit de la sagesse et de l’ordre, adoucissoit les maux que faisoient éprouver les ennemis. Les bâtimens neutres accouroient de toutes parts, et venoient aux Cayes verser- les objets de leurs nombreuses cargaisons.' Le commerce brilloit même de l’éclat .de la 'paix; et des cor- ‘ saires armés et munitionnés par Rigaud, prêtèrent leurs secours à la sûreté des rivages. On encouragea ces bâtimens à se saisir des navires négriers, et l’on vouloit joindre même à l’intérêt des hommes , les douces jouissances de l’humanité en délivrant les misérables esclaves, qu’on voituroit à la Jamaïque : le Directoire lui - même a fait rapporter, dans ; tin journal , l’un de ces beaux traits de bienfaisance qui ont si grandement honoré Rigaud 7 en rendant la liberté aux noirs pris sur les ennemis, et en donnant1 aux preneurs des indemnités que la contribution de tous les citoyens portoit par cargaison jusqu’à io,ooo francs.

- Dans cette heureuse position , dans , ce zèle de tant de citoyens qui' cherchoient à confondre par leur conduite les outrages, de quelques hommes 7 on manquoit pour la défense de la. .colonie , d’un objet - que le courage ne ponvoit procurer : c’étôit les munitions mêmes. Le- général Rigaud avoit partagé, le peu. dè poudre qui Ijii restoit ? avec le. général Lavâux ? aussi—tôt que celui-ci lui avoit fait connoître ses besoins en ce- genre. :                   . - - .                     . ,                                 - ■

Le général Rigaud ? pour mettre lés' places du départemèrif du Sud à. l’abri des incursions de l’ennemi 5 chargea son père ; et le citoyen Duval-;Monville x contrôleur, de lamarineydïn-f viter le ministre français aux Etats-Unis" de l’Amérique /de

venir au secours de la colonie 5 il les chargea particulièrement de faire tput ce qui dépendrait d’eux, pour engager, les négo-, cians à nous envoyer de la poudre et des armes. Ces deux vieillards s'acquittèrent avec zèle de cette commission, qui fut couronnée de succès, puisque peu de tems après nous reçûmes plusieurs petites cargaisons de ces objets , dont la poudre se vendoit argent conptant dix-huit francs la livre.

Le citoyen Fauchet 7 alors ministre de la République, s’empressa d’envoyer à Saint-Domingue une petite cargaison de poudre pour les généraux Laveaux et Rigaud. Ce secours, et plus encore les manières obligeantes de ce ministre ? ont laissé dans la reconnoissance du peuple de ce pays des traces bien profondes ; heureuse la République qui est représentée d’une manière aussi digne d’elle ! .

L’audace des Anglois , dès ce moment 7 fut comprimée J leurs attaques souvent répétées furent toujours nulles , et nous eûmes le plaisir d’accroître leur dépit par l’accroissement des espèces, qui permirent aux administrateurs de récompense# les soldats par une demi-solde, qui jusqu’alors n’avoit pas encore été accordée.

Vers ce temps (4 Brumaire an IV ) on apprit l’arrivée aù Cap de la corvette la Vénus , capitaine Desageneaux 7 qui âpportoit les dépêches si long-temps désirées de la métropole, dont le contenu annonçoit la conclusion de la paix f avec l’Espagne, la déclaration solemnelle que V armée de Saint-Domingue avait bien mérité de la patrie, et l’acte constitutionnel présenté à l’acceptation du peuple François réuni dans ses assemblées primaires 7 au bas duquel acte étoit une attestation précise du capitaine Desageneaux, qui affirmoit qu’au, moment de son départ de Brest il avoit reçu à bord l’avis officiel de l’acceptation de la constitution et autres décrets fai vorables. .

Ce fut dans des fêtes enthousiastes , dans des h an quels civiques ? dans des danses générales , que la joie et la gratis tude, transportant les esprits, firent émettre un nouveau serment de poursuivre jusqu’à extinction les ennemis de la République , de prouver toute l’étendue de la fidélité et de l’ardeur générale par l’amour de l’ordre , par l’oubli de toutes les haines, par tous les accords d’une touchante harmonie.

Ce fut dans ces momens de plaisirs et de contentement public, que tous les citoyens voulurent présenter leurs remer-cîmens par l’envoi d’une députation qui ? chargé^ de transmettre à la métropole tous les sentimens de la reconnoissance coloniale de voit, au terme de la loi, siéger au Corps législatif.

La paix avec les Espagnols , l’étonnement des Anglois, qui ne paroissoient presque plus sur les mers, les tems des combats qui jusques-là avoient exigé le concours de tous les courages , donnoient alors la possibilité d’envoyer en France des députés de ce département , lorsque ceux du Nord se trouvoient déjà à leur poste.

On consulta le général Lavaux sur cette exécution formelle de la constitution. Cette conduite prouve la déférence que l’on avoit pour le général en chef, lorsqu’il n’étoit pàs besoin de prendre son avis sur un acte que le peuple a le droit de remplir de sa pleine puissance.

Le général Lavaux s’y opposa fortement ,• il voulut bien autoriser les généraux Rigaud et Beauvais à envoyer trois citoyens en France, pour remercier la Convention nationale, disoit-il, du grade où elle avoit bien voulu les élever par son décret du 5 thermidor. .

Les citoyens Pinchinat, Salla et Fontaine, furent choisis pour ce genre de députation. Ils se rendirent aussi-tôt au Cap pour

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profiter du départ de la corvette la Vénus ; (i) mais ayant appris qu’elle ne devoit partir que long-tems après l’annonce qu’en avoit fait Lavaux , ils retournèrent aux Cayes où ils »voient été rappelles. Les troubles qui survinrent bientôt au Cap , un système de proscription préparé en France sous formes républicaines ? et qui devoit écraser les mulâtres pour faire rentrer les noirs sous le joug ? furent des obstacles, insurmontables à toute espèce de départ.

Les citoyens du Sud , malgré le mauvais succès de leurs premières démarches, n’en persistèrent pas moins dans leurs dernières résolutions ; on sollicita de nouveau le gouverneur Lavaux et l’ordonnateur Perroud, qui consentirent enfin à la convocation des'assemblées primaires.

Un désordre apprêté de longue main commençoit à se développer , à cette époque.j dans les campagnes de Léogane î il étoit en partie le résultat des perfides conseils de Sonthona£ ? qui à son départ avoit insinué aux noirs qu'il falloit égorger les anciens libres ? s’ils vouloient assurer leur pleine liberté.

Les noirs campés autour, du Port-au-Prince ne suivirent que trop bien ce conseil attroce, les uns réunis sous Pierre Dieu-donné , qui prenoit le titre de commissaire-civil, sé disant revêtu de pouvoir par Sontbonax fi) j les autres sous les ordres

( i) C'est ce voyage qui servit de prétexte à Sonthonax pour sa fameuse proclamation, du x? prairial, dont le considérant porte que Pinchinat n'a été au Cap, qui n'est pas son séjour ordinaire, que pour fomenter l'affaire du 30 ventóse } rendre la colonie indépendante et former, une. assemblée coloniale.

de Pompée, commencèrent à plonger leurs poignards dans le . sein des anciens libres* Ils étendoient leurs massacres sur toutes . les couleurs, ravageoient à loisir la plaine de Léogane, et pilloient les cultivateurs paisibles qui dédaignoient leurs enseignes. Rigaud ne put jamais obtenir du général Lavaux une proclamation qui rappelât à leur devoir tous ces noirs égarés. Le premier employa d’abord les voies de douceur, mais à l’aspect d’un brigandage qui ne connoissoit plus de bornes, il fallut employer les' moyens respectables de la force : on marcha contre .eux; on les traita comme ennemis de la République ? comme instrumens des émigrés et des conspirateurs, français, et les succès qu’on en obtint rendirent le repos à Léogane.

La correspondance qu’on intercepta' , apprit aux patriotes 1 que le baron de Montalembert dirigeoi.t tous ces mouve-mens ; qu’il avoit fait des propositions très - honorables , au nom du roi de la Grande - Bretagne , que Pierre Dieudonné àvoit déjà acceptées. Ces propositions portoient en particulier ? qu’il convenoit d’exterminer tous les mulâtres de Léogane, comme trop attachés à la France.

Pompée devoit coincider. avec les mesures de tous ces brigands. Il avoit pour secrétaire un émigré qui le faisoit agir pour la plus grande gloire des Anglois (i); mais le projet de Montalembert ayant été renversé , et les noirs ayant reconnu     ?

toute l’imprudence de leur conduite , ce Pompée fut saisi, ainsi     %

que Pierre Dieudonné, par leurs propres soldats, et livrés aux | autorités constituées.                                                   H

Les Anglois ignoroient encore l’ébranlement de leurs ardentes opérations, lorsqu’ils marchèrent, entourés-de leurs 72 voiles,' sur Léogane, débarquèrent leurs bataillons, et pressèrent le siège de la ville; mais ils furent culbutés par les républicains,

^

laissèrent la terre couverte de leurs morts , abandonnèrent des canons 7 des munitions, des bagages.-         : - ‘

Telle .étoit là i valeur du général Rigaud 7 telle étoit son intrépidité , citoyens directeurs y lorsque le déploiement du système de destruction qui dèvoit englober tous lès-hommes de couleur, commiençoit à. avoir son exécution au Gip , sous les auspices de Lavaux. Cette mesure alloit S’étendre sur tout le département du Nord, et à l’arrivée de SontliOnax 7 elle étoit destinée à avoir une partie de ses effets dans le territoire dû.* Sud y qu’on va voir bientôt abandonné à tout le brigandage de ses sicaires»                                 "

Je suis obligé'de laisser pour un moment le récit ¿es opérations de Rigaud:7 • pour suivre le récit du système de destruction des hommes ; de couleur dans son agrandissement. Mais je prie de: regarder que toutes ces persécutions y dirigées indirectement contre ceux^doiitje vais, parler 7 étoient autant de coups portés directement à ,Rigaud.

Au commëiiceinent du mois' de germinal parurent, dans’ le département du Sud, lei horribles écrits de Lavaux et de Perroud sur les troubles du Nord (i)i On vit bien clairem nt qu’ils cherchôient à seniër ’ un germe de division dans la colonie, en généralisant des faits qui né poûvoient concerner, que les- habitans 'dé* là ville. du Cap. Au milieu dè ces agitations, la tranquillité fut maintenue dans le sud parla vigilance .des. chefs.                              • -         •• • • *

( i ) V ordonnateur Perroud y dans ^ écrits fimploroit tes puissances du,ciel et de lauerrè o'on^            dé' couleur ;

il invoqu it la vengeance nationale centre les défenseurs de la patrie ; if appelait à son secourslespuissancès neutres f alliées et meme ennemies. p •

B

(18)

au milieu de tous les’ maux de la guerre, avoient donne naissance à la journée du 3o ventôse. En effet , ce général après l’inceùdie du Cap / se retira au Port-de-Paix avec toutes les troupes blanches et tous les fonctionnaires publics, laissant les hommes de couleur et lés noirs réduits à leurs propres moyens , et en butte à toutes les horreurs de la famine. Lorsque les Espagnols et les émigrés bloquoient par terre et par mer la ville du Cap, le général Lavaux ne daigna pas même la secourir 9 quoiqu’il fut dans l’abondance au Port-de-Paix. Ce fut Villatte et ses braves compagnons d’armes qui, parleur contenance ferme et résolue 7 inaccessibles à tous les moyens dé séductions, étonnèrent l’ennemi, et le forcèrent à se retirer. (1)

Non-seulement Lavaux n’a point aidé la ville du Cap, mais croira-t-on qu’il a eu la barbarie d’ordonner qu’on tirât sur les canots de cette ville qui alloient dans les environs du Port-de-Paix chercher des bananes, tandis qu’il avoit dans ses magasins une si grande quantité de vivres du pays , qu’il ne* put les consommer ? La majeure partie de ces vivres ayant é té avariée dans la suite , il les fit jetter dans le canal de la Tortue, (x) Croira-t-on que les hommes de couleur qui, pour alimenter leurs familles, armèrent des bâtimens pour aller en courses ? et qui furent pris soit par les Anglois ou par les Espagnols, ne furent jamais échangés par ce général; quoiqu’il

échangea des hommes qui avoient trahi la République ? en livrant son territoire à ses ennemis ? Croira-t-on que non-seulement Lavaux souffrait la rentrée des émigrés ? mais encore qu’il leur donc oit de l’emploi ?

Cependant le gouverneur Lavaux apprit que le Cap commen-çoit à renaître de ses cendres , etque la culture étoit remise en .vigueur par les soins et la vigilance de Villatte ; il transporta dans cette ville le siège de son gouvernement, où , en accablant les habitans de tout le poids de son despotisme , il les rendit encore ■spectateurs des abus énormes de Perroud dans les finances. Enfin le peuple ? excédé par toutes leurs vexations; finit par arrêter ces deux chefs trop justement odieux ; et s’en assura en attendant qu’on trouvât un bâtiment pour les envoyer en France ; mais le général Toussaint-Louvêrture ? qui ne voyoit dans Lavaux. que son chef ; le fit élargir. Il se pouvoit qtie Lavaux-, devenu libre , eût recours à une vengeance longue , terrible, étendue , mais la colonie devoit au moins être conservée sous les auspices du général Toussaint : Lavaux ne laissa pas échapper cette occasion pour porter toute sa fureur contre les mulâtrès ? quoique les noirs* et les blancs eussent eu la plus grande part à sa détention. On croit même , et cette idée , toute extraordinaire qu’elle est, n’est point sans réalité dans les politiques ultra-révolutionnaires ; on croit qu’il suggéra l’idée de se faire arrêter ; afin d avoir le prétexte d’écraser à loisir les hommes de couleur. Mais son animosité se tint renfermée jusqu’à’ l’arrivée de Sonthonax , avec lequel il concerta les moyens surs d’une ruine générale , qui devoit même atteindre les enfans de dix ans : c’étoit le projet de déporter tous les hommes de couleur, leurs femmes et leurs enfans, depuis l’âge de dix ans jusqu’à cinquante, projet écrit en entier de la main de Lavaux , et remis au commissaire Sontfionax. Il ne faut plus s’étonner de l’intimité qui règne entre ces deux hommes-, qui sont entièrement dans la dépendance l’un de l’autre. Auroit-on pu croire à un tel excès de despotisme et d’audace sous un gouvernement républicain.                        B a

’ Le citoyen Roume, commissaire du Gouvernement, étoit arrivé à Santo-Domingo peu de temps ayant Sonthonax et ses collègues. Il s’étpit fait rendre compte de l’affaire dé ventôse* Villatle , en sa qualité ¿’homme basané, lui avoit adressé des députés. Lavaux, de son côté 7 lui avoit envoyé l’ordonnateur ^ Perroud. Les généraux Beauvais et Rigaud , suivant l’ordre du citoyen Roume , lui envoyèrent aussi des députés , mais chargés uniquement de lui rendre compte de l’état où se trouvoient les départemens du Sud et de l’Ouest : ces députés assistèrent aux différentes conférences qui eurent lieu en présence de l’agent national, entre les envoyés de Lavaux et Villatte. Le commissaire Roume , avoit fait convenir les uns et les autres de leurs torts (i) • il avoit dit que cette affaire ne méri toit pas le bruit qu’on lui avoit donné j il fit promettre une réconciliation sincère ; elle fut jurée de part et d’autre. Perroud même donna le baiser de paix • niais ce baiser couvroit la plus atroce perfidie. Le com-r missaire Roume, pour rendre complette le succès de cette ré-r conciliation j délégua les citoyens Boyé et Sàlla pour le Cap ? afin d’être témoins de la réunion sincère des deux partis j mais ces citoyens arrivèrent trop tard , et l’arrêt de la mort et de la proscription étoit déjà lancé contre les hommes de couleur.

J’observe ici que l’événement de ventôse , réduit à sa juste valeur , n’étoit même rien au sentiment de Roume. Cependant ce commissaire étoit sur les lieux 7 il avoit pris les informations les plus .exactes ; comment se peut-il qu’en France on prétende mieux voir qu’à S.Dpmingue? et qu’on veuille trancher d’un ton infaillible sur des objets qui se sont passés à dix-huit cens lieues.

Telle étoit la situation des choses } lorsque la commission du .Gouvernement françois descendit au Cap. ,

( i ) Vordonnateur Perroud en ¿toit tellement convaincu, qu'il écrivit au général Rigaud} pour lui faire part de P heureuse, réconciliation qui venoit d'avoir lieu. Voye^ sa lettre sous le, n°» a des pièces justificatives»

/• '. Lavîipx -profita^ bette circonstance avec toute la précipita—' tion qui pouvait lui assurer un triomphe 'coupable ; il se rendit à bord même des vaisseaux stationnés,dans la rade ; il s’aboucha avec la commission, et obtint aisément la promesse d’une vie-* toire complelte ; il oublia ses sermens , il écarta le souvenir des baisers-de paix, et machina , avec le perfide dictateur lancé pau l’Europe , une vengeance grande, terrible ; générale.

Sonthonax devoit, pour l’exécution parfaite de ses nouveaux projets^ jetter la terreur et l’épouvante, par un début aussi sévère qu’impoli tique payant avant son départ de France ramassé' les moyens de donner une pleine réussite au système de destrucr tiori et d’indépendance qu’il avoit concerté dans sa profonde et ténébreuse ambition , il ne tarda plus ? et commença.ses essais sur la personne de Villatte , homme de couleur ; dont la perte résolue alloit imprimer l’effroi à toute sa classe.

Sa première opération fut de demander Villatte au Cap ; ce général étbit alors à quelque distance de cette ville avec une foule' de républicains pour échapper à la défiance et au ressentiment de Lavaux. Villatte sé rendit aux ordres de la commission et traversa les rues du Cap. Toute la ville courut au-devant de lui ; on revoyoit avec joie ce brave citoyen qui avoit rendu des services si éclatans à la colonie , qui l’avoit défendue malgré toute les suggestions et les promesses des Espagnols et des Aùglois • qui avoit obtenu les plus grands succès aù milieu même des barreurs de la plus effroyable famine. Spn nom devoit donc être cher, à des homsnes sensibles p aussi' l’air resonnoit-il des .accenà flatteurs de la reconnoissance la plus vive.

Lavaux ; outré qu’on eut cherché par ces dangereuses prochw clamations à prévenir contre lui-même l’opinion du conseil; pâle ■de colère , écurriant de rage ; fondit le sabré à la main sur la ¿multitude qui se pressoit vers le lieu des séances delà commis-

pion, frappa et abattit une foule de citoyens et s’applaudit d’avoir'terrassé des . femmes.

Dans tout l’égarement de sa frénésie ^ il eut encore tout l'esprit de distinguer les femmes de couleur , qui étoient en petit nombre dans cette multitude énorme de noirs ; et ces femmes furent particulièrement mutilées,

La commission, étonnée de l’obéissance de Villatte, et pré-.voyant que cette soumission renversoit tous ses projets , trouva à propos de le renvoyer à son camp pour le rendre nécessairement coupable. Bientôt elle lança contre lui plusieurs proclamations 7 fious le prétexte qu’il n’avoit pas dissout assez tôt son camp ; et «ans lui en donner le temps , Sonthonax le mit hors la loi 7 et ordonna qu’on le saisit mort ou vif. Mais Villatte dérangea encore toute cotte conspiration , en se rendant sur un bâtiment de la rade , où il se constitua prisonnier. Ce ne fut pas. sans le plus grand danger, car les sicaires de Lavaux battoient la plaine de tous côtés .; et l’on clierchoit à le percer de poignard 7 afin de l’empêcher de se rendre en France où la vérité pourroit être entendue. Villatte fut peu de temps après déporté avec plusieurs , de scs compagnons; d’autres citoyens suivirent encore cette triste destinée, un grand nombre furent plongés dans les cachots ; enfin l’on mit tout en usage pour ce coup d’éclat, pour tout diviser , pour tout bouleverser.-            * .

■ La partie du nord de Saint-Domingue étoit dans cet état de subversion lorsque j’arrivai au Cap-? chargé , par le général Rigaud, commandant le département du Sud, de porter des dépêches à la commission. Je n’ai pas été long—temps dans cette Ville ? sans me convaincre de l'horrible projet qui se tramoit contre les hommes dé couleur.

J’étois chargé en particulier de. faire connoître à la commission les besoins du département du Sud en armes et en

munitions de guerre; mais Sonthonax qui avoit des raisons pour ne point approvisionner cette partie de ces objets , n’y ' a envoyé que mille fusils et dix milliers de poudre, sur une si grande quantité qu’il avoit apportée de France , tandis qu’il en avoit distribué une quantité considérable aux noirs révoltés de la montagne de l’est, qui en ont profité pour combattre en faveur des émigrés et des Anglois.

L’ordonnateur Perroud 9 cet homme si déhonté, qui n’étu-dioit que les circonstances et se prêtoit à toutes leurs variations , se déborda en un torreùt d’injures contre les citoyens de couleur ; dans un libellé diffamatoire qui fut même applaudi de la commission par un arrêté particulier. Ce fut dans ce mémoire incendiaire que Perroud accusa les hommes de couleur d’avoir formé l’abominable projet de détruire tous les blancs et de détacher la colonie dé la métropole. Eh ! dans quel tems ; grand Dieu ! dans le tems où notre sang ruisse-loit dans la plaine de Léogane pour le triomphe de la liberté et la gloire de la République ; dans Je tems où les/citoyens des dêpartemens du Sud et de l’Ouest venoient de resserer les liens de leur fidélité et de leur attachement à la mère-patrie, en nommant leurs députés au Corps législatif? Mais Perroud, pour avoir osé porter une accusation aussi absurde que ridicule , contre une classe entière de’ citoyens, a-t-il Pu croire en imposer ? La conduite invariable des hommes de couleur 9 leur zèle pour la défense du pays ^ leurs succès sur les ennemis, le inépris constant qu’ils ont toujours fait de leur or, ne ?ont-çe pas des monumens trop respectables^ qui attestent , contre les calomnies de Perroud j leur attachement inviolable à la République? O peuple français, on cherche à t’égarer sur les sentimens de tes frères d’occident ! Comme toi nous gémissions sous le joug de la tyrannie; comme toi nous avions >j?j.ùer nos.Jers et recouvrer notre liberté ; voilà ce crime qu’on ne sauroit nous pardonner*

ni) .

Saisi d’indignation a la lecture de cet infâme mémoire, je m’étois; proposé de soumettre ? dans une lettré1 adressée à là commission, les plaintes de tous les citoyens■ que la diatribe de .Perroud .engloboit tout entier; le commissaire Raymond m’invita au silence , et m’assura que la commission en alloit faire justice. Mon zèle, par ce,conseil, fut paralysé, et l’on peut concevoir l’indignation publique, lorsque , loin d’obtenir une réparation-légitime de la commission, elle approuva d’une manière si sensible les odieuses calomnies qu’on déversoit sur toute une classe de républicains.. La perte de tant de citoyens utiles , nécessaires et fidèles , étoit donc résolue; ils alloient; donc devenir les victimes de la fureur 7 de la .cupidité, du -ressentiment colonial : .leurs, biens ? leur vie et leur- sûreté alloient donc être livrés à toute la rapacité des flatteurs et des brigands qui, dans leurs -hurlemens impies, ne voiloient pas leurs excès ? et s’écrièrent même qu’ils n’avqient été envoyés que pour venger les colons. .

Les affaires du nord terminées à la meilleure satisfaction des commissaires , ils portèrent également leur vue sur la ruine de la contrée du Sud, qui, à leur arrivée , étoit au plus haut point de prospérité. . . „ ' •

La commission y délégua-, trois agens / dont, les deux premiers, connus par l impuiiité. de/leurs anciens forfaits ^ et là force remise en de telles mains ?-, dévoient rendre'certains des çomplotsdu gouvernement colonial. ■ Rey j* célèbre taux Antilles, par sa haine profonde pour la’liberté , • déporté t ensuite’ par les ordres même de Sonthonax? en 1793 ,> (éh’se;trouvoit revêtu en ces mom.ens d’une fonction /.délicate. -1, LeKorgnêy il-lus’r- par son titre de Marat d$$i Antilles , : dont ib s’étoit. vanté .lui - .. me. dans son mémoire .justificatif à la Convention', actuel-

( 1 ) Voye[ Tordre de déportation contre Rey; sous Te n°, ^.

lement dans les archives du Corps législatif^ùllustre par se® vols et par ses brigandages/ étoit’le collègue de celui-là : ces deux hommes ont justifié pleinement les cruels ressenti* mens que la colonie dëvoit avoir de leur présence. Le troisième, le citoyen Kerverseau ; plus humain que les deux autres

• étoit nul par cela même qu’il étoit probe. Telle était cette délégation. .. >

Envain les citoyens du département du Sud ; effrayés de ces choix ? témoignèrent la crainte qu’ils avoient de voir altérer ^’union et la tranquillité dont ils jonissoient ; envain le général Rigaud cherclioit à éclairer la religion de la commission sur Ja conduite précédente, de Rey aux Gayes (i). La perte de Sai^t-Domingue étoit jurée , et certes on ne pouvoir employer de meilleurs moyens pour y parvenir.

On comptoit ; à la suite de cette délégation, un contrôleur et un ordonnateur nouveaux 5 une cinquantaine d’officiers, parmi lesquels Arnaud Préfy, le plus lâche brigand que la colonie ait vu dans son sein, se faisoit principalement re-

- marquer. (2) Les délégués débarquèrent à Tiburon (à. vingt*

( 1 ) Voye^ là lettre de ce général au commis aire Raymond, , sous le n°. 4 des pièces justificatives.'

' (2 ) Cét Arnaud Préty habitait au commencement' de la ^évblütionjd'àns le'qüàfiier de Jérémie-; il étoit un des chef s de ces cannibales qui faisaient la chasse aux hommes de côüleur ^ comme on fait celle de bétes fauves dans les forées ; il portoit à :soh chapeau } au lieu-de cocarde ^ les oreilles de ces malheureuses victimes sacrifiées à sa fureur barbare. .Arnaud Préty ; outre le commandement en chef de la gendarmerie du^Sud^ que lui avoit accordé Sonthonax, cçcupoit. encore la place d'aide-de-camp de Lehargne.

cinq lieues des Cayes) avec une partie de leur suite; ils passèrent en rWue là garnison > et s’informèrent combien il y avoit d’officiers noirs. Le commandant Dartignave leur en présenta onze j et leur dit qu’il y en avoit deux de malades. Peu de tems après j les délégués écrivirent à la commission qu’ils îfavoient trouvé à Tiburón que deux officiers noirs , et ils «joutèrent : On. peut faire cette application à toutes les trompes du département. Le délégué Rey, et quelques officiers de sa suite , surtout Arnaud Préty, cherchèrent dès-lors à organiser la guerre civile ; ils disoient aux officiers noirs î Pourquoi tíetes-vous pas en grade. élevé ? Ne voyez-vous pas que lés • mulâtres sont vos ennemis ? Ralliez-vous aux blancs, pour lés exterminer, et vous aurez leurs places. Sur la route, partout où les délégués s’arrêtoient, c’étoit de nouvelles manœuvres ; ils répondirent à quelques cultivateurs vagabonds , qui se plai-gnoient qu’on les forçoit au travail ; Travaillez si vous voulez ! vous ries libre, et personne ría le droit de vous y contraindre. Enfin, arrivé dans la plaine du Fond , le citoyen Rey dit aux cultivateurs qui avoient accouru au-devant de la délégation : Vous étés des sots d'obéir aux ordres d’un mulâtre comme Lefranc, et de travailler comme vous le faites. Voilà des préceptes bien digues des agens.de Sontlionax. Celui-ci doit leur savoir bon gré de ne t s’être point écarté de. ses instructions secretteà.                                             '

Quoique l’arrivée aux Cayes de cette délégation eut été précédée .par des rapports bien affligeans pour le maintien de la tranquillité publique , les citoyen,s lui firent la réception la plus magnifique. Elle fit son entrée le 5 messidor : elle-même rendit compte à la commission de la manière touchante dont elle avoit été reçue.

Le lendemain, la délégation s’installa, et prit les rênes du gouvernement; elle trouva un pays où l’ordre et la tranquillité

la plus parfaite régnoient; où l’union la plus sincère parois-soit animer les citoyens de toutes les couleurs; oit enfin la culture, le commerce et les arts florissoient. Tout fut bientôt renversé. Les délégués suscitèrent de toutes parts les divisions 5 ils rompirent les liens de l’amitié, remplirent les maisons de crainte et de terreur, brisèrent les nœuds de la soumission militaire, et hâtèrent en peu de tems l’incendie qui devoit dévorer cette malheureuse colonie. “

L’ordonnateur civil Gavanon, qui s’éloit livré avec tant dé zèle à la restauration de la colonie, qui' jouissoit à juste titre de l’estime générale de ses concitoyens , dont la probité faisoit le plus bel éloge, ce vertu eux citoyen fut chassé de ses fonctions, et remplacé par un banqueroutier fameux ? adonné à tous les vices, et digne meme, par sa lâcheté, de la complaisance des Anglois qui l’avoient employé au Port-Républicain. Cet Idlinger ? qui avoit servi les plus féroces ennemis de la République ? étoit revenu ^p France ? et après avoir menti aux autorités j étoit retourné à Saint-Domingue, où il obtint aussitôt la faveur de Sonthonax.

La présence de Rey, aux Cayes ? n’a pas été long-tems sans produire l’effet que l’on en attendoit; ses’¡anciens partisans et complices s’étant réunis à lui , il les a présenté à ses col^ lègues , avec les recommandations les plus fortes. G’est alors que l’on vit la délégation entourée de tous les ennemis bien prononcés de la République et de la liberté ? des Esmenârd > des Rimbert et autres (r) ; que les républicains furent destitués

f ( 1J Esmenârd et Rimbert étaient les complices de Mouchet et Badolet, dans l’assassinat des hommes de couleur, des Cayes t le 14 Juillet 27^3 , jour de la fédération. Voye^ le récit de celte terrible journée aux débats sur les colonies, tom, j, Pag*

de leurs places, et. remplacés parles royalistes (i). Enfin, lé plus beau titre dont on pouvoit s’étayer aùx yeux des délégués., étoit de s’etre signalé par une haine implacable, pour les homme,s de couleur. Rey et Leborgne , par les’ moyens'de leurs émissaires , répandoient l’insubordination dans là plaine, cherchaient à soulever les soldats noirs contre leurs officiers de couleur, et leur disoient : Vous ne'dévef plus obéir aux mulâtres ', voyé^vos frères du nord, ils occupent toutes lés places, et ici aucun de vous n'est élevé au-grade supérieur-Çi). Non, mes amis, vous dîtes pas libres, nous venons pour rompre vos fers. La.

suite, de cette/dplégatiom^^                    accoster les noir®

dans les.rues pour leur tenir les mêmes propos; ceux-ci étonnés de ce qu’on leur .disoit ? et n’ayant aucuns motifs de se plaindre, des hommes de couleur , vinrent leur-faire part du ; projet qui se'tramoit contr’eux. Considérez , citoyens direc-p leurs, combien cette conduite indigne dés délégués devoit verser d’amertume et de tristesse dans l’ame des citoyens de couleuri

?     fut pendant plus d’un mois exposé à toutes les indignités que

;     1?orgueil et la puissance penvoient suggérer;

[ Peu de tems après son installation ; la délégation fit une i     tournée dans la plaine du Fond et .de Torbeck. Les délégués

| Rey et Leborgne cherchèrent de nouveau à révolutionner les cultivateurs; les personnes à ,leur .suite, et. principalement |     Arnaud Préty , dansèrent le calinda avec les noirs, (i). Ensuite

«     on s’est transporté au camp Perrin , situé à la frontière de

Jérémie : le même Arnaud Préty. se glisse parmi les soldats $      de la garnison ; et par son instigation , ceux-ci l’aidèrent à ren—

£     fermer dans un cachot le commandant du poste. Le citoyen

j      Gefirard , ayant été relaxé par ses officiers', porta ses plaintes

(     à la délégation y et n’obtint point de justice pour une insubor-

[     dination aussi contraire à la discipline militaire. Enfin , par-

tout où passèrent les délégués ; ils laissèrent après eux les traces r     one insurrection prochaine .: les cultivateurs abandonnèrent

j     kurs travaux pour se livrer à la danse ? disant que les cqm-

;        ( i ) Sur chaque habitation où s'arrêtèrent tes délégués, ils

firent cesser le travail pour commencer la danse ¡les maisons ■ de Corrections étdie’nt" brisées avec un éclat si scandaleux .> Qu'On sèmbldit dire pat-lù àùk'cultivateurs ; vous vdye^

i fidüs étés libres de travailler sï ^oïTs lé vOufe^r

îïiissaireS leur avoieut dit qu’il ne falloit point travailler. Ce désordre Jura pendant trois jours, et les inspecteurs qui vou-loient le réprimer étoient menacés par eux ^ et destitués par la délégation. C’est dans cette tournée où l’on vit les plus grands ennemis de la liberté jouer la philantropie , et s’appi-toyer sur le sort, de ces bons nègres que jadis ils traitoient avec tant de cruautés. Le général Rigaud? par son influence parvint a rétablir, la tranquillité (i). Après cette tournée où1'la délégation crut voir les plus heureuses dispositions à la révolte de la part des cultivateurs 7 elle réitéra la demande qu’elle avoit déjà faite à la commission des armes pour armer, disoit-elle , nos frères les noirs et les blancs ; elle se plaignit de nouveau que les noirs ne connoissoient la liberté que de nom. J’avoue que je suis fort embarrassé de pouvoir répondre à cette accusation. Qù’entend-ôn par le mot liberté, et à quel signe re-connoît-on celui qui en jouit ? Est-ce par l’ànarchie 7 le désordre et lé brigandage ? La liberté est donc incompatible avec lé travail? Cependant en France , où certainement tous le« hommes sont libres , je vois le pauvre travailler nuit et jour pour pouvoir alimenter sa famille. On m’objectera peut-être qu’à Saint-Domingue, avec le travail de quinze jours, un homme peut entretenir la sienne pendant six mois j cela est vrai • c’est par cette raison même que les autorités constituées sont obligées de tenir la main au maintien de la culture ,• s’il en étoit autrement, il faudroit donc renoncer à l’usége du sucré et du café. La liberté civile existe , à ce que je crois , dans l’exercice des droits qui nous sont garantis par de pacte social. Çr; les noirs dans le departement du Sud? ayant voté dans

( i ) Rigaud prévint , dans une lettre confidentielle, le ci* toyen Raymond des manoeuvres employées par les,agens de la commission) pour opérer la subversion totale du département du Sud. Voye^ cette lettre sous le n°» ¿ des pièces justificatives»

( 31 J 1

les assemblées primaires qui y ont eu lien en germinal an 4> plusieurs d’entr’eux ont été nommés électeurs , et ont concouru à l’élection des députés qui dévoient représenter la colonie dans le Corps législatif ; ils jouissoient donc de la plénitude du droit de citoyen : mais, disent les ennemis des hommes de couleur, vous les maltraitiez. Cette calomnie est si absurde, que je ^ me croirois dispensé de la réfuter, si quelques patriotes trompés ne paroissoient y ajouter foi.

Le général Rigaud, pendant tout le tems qu’il a Commande en chef le département du Sud , n’a jamais cessé d’accorder aux citoyensnoirs les mêmes protections qu’aux blancs et aux jaunes; il ne pouvoit faire autrement ( en supposant même que Son inclination y fut contraire) puisque toute sa force résidoit dans ces mêmes noirs , qui ne se seroient certainement pas prêtés à tyranniser leurs semblables. Lefranc, qui étoit inspecteur général des cultures , est un de ces hommes fanatiques de la liberté, quoique très-riche propriétaire avant la révolution. Une preüve très-convaincante que les hommes de couleur, ni aucune des personnes chargées de surveiller lés travaux dé là culture, n’employoient aucun mauvais traitement contré les cul-, tivateurs, c’est que malgré les suggestions perfides dés Léborgné ? Pey? Petit j Arnaud Pretty et autres, lès noirs ont refusé constamment de faire les déclarations qù’dn voûloit lèïir arracher contre, les hommes de couleur. Au surplus, lorsque le général Rigaud et l’ordonnateur GaVanon entreprirent de rétablir la culture , ils n*écoutèrent én cela que leur zèle polir les intérêts de la France, en préparant, à son cominerce dê nouvelles sources de richesses ; ils crbyôient aussi servir les intérêts des propriétaires et des cultivateurs eux- mêmes 5 ils; Çrojoi’SHt enfin servir les intérêts de la société, en arrêtant lè cours d’un vagabondage affreux., pour faire régner l’ordre , 1 union et Ja fraternité : ils n’employoient, pour y parvenir, que» les seules voies de la persuasion : il n’étoit infligé

'd'antres punitions , aux infractaires aux réglemens , que celles établies par les proclamations du commissaire civil Polverei. (i) Én quoi donc les hommes de couleur ravissoient-ils la liberté aux noirs ? Le général Rigaud étoit bien loin de croire que son zèle eût été mal interprété par les autorités françaises ; quel intérêt, autre que celui de la prospérité du pays , avoit-il en effet de faire refleurir la culture , puisque ni lui, ni sa famille n’ont d’habitations? Mais sondévouement ayant déplu à Sonthonaxi la race entière des mulâtres devoit périr , pour avoir servi les intérêts de la France; ’ Et quels étoient les hommes- dont on vonloit se servir pour l’exécution de ces exécrables vengeances ? C*étoient ces mêmes noirs à qui Sontlionax avoit recommandé; par sa proclamation du 29 août, de ne jamais oublier que c’étoit aux hommes de couleur qu’ils dévoient leur liberté ; de ces hommes qui, Jiers de leur indépendance , préfèrent la perte de leurs propriétés à la honte de reprendre leurs anciens fers.' Ceux, qui se prétendent les amis exclusifs des noirs , disent que les noirs ne connoissoient la liberté que de nom. La faction coloniale qui existe à Paris, et dont les projets sont si bien dépeints par la lettre du commissaire Roume, dit au contraire qu'il faut détruire lès mulâtres pour pouvoir rétablir l’esclavage. Le moyen? en réunissant les noirs avec nous, nous nous débarrasserons aisément de ces figures à rhubarbes5 ensuite* ^ en nous mettant avec les nègres, de Guiné contre les nègres créoles.

( 1 ) Ces punitions étoient de deux sortes : i°. Le cultivateur qui abandonnait son habitation pouf se réfugier dans les villes étoit arreté par ordre de la police f et condamné aux travaux publics sans rétribution, z0. Les .voleurs , où ceux qui refusoient le travail , étoient condamnés à être mis à la salle de discipliné, par un conseil d’administration formé sûr Lhabitation , et composé des noirs mêmes i cés punitions ne pouvaient se prolonger dans aucun cas au-delà de huit jours.

■ ■ noirs.

nous • parviendrons sans difficultés à détruire ces docteurs maroquins; enfin la France , fatiguée de tant de désordres , finira par nous laisser faire, alors nous rétablirons l’esclavage, (i)

Tel étoit l’abominable projet formé à Paris avant le départ de-Sonthonax pour Saint-Domingue; la conduite qu’il a tenue dans le Nord ? celle de ses agens dans le Sud, ont un rapport direct avec ce plan? Lavaux et Perroud étoient. évidemment les agens secrets de cette faction ? Les prétendus philan-tropes veulent détruire les mulâtres pour assurer la liberté des noirs, et.les planteurs à sucres veulent détruire les mulâtres pour pouvoir' rétablir l’esclavage ,: comment expliquer cette énigme ! v. . Gomment Concevoir la conduite de là commission du Gouvernement, lorsqu’elle accorde amnistie aux royalistes coalisés avec les Anglojs , et qu’on la voit persécuter les républicains pour quelques fautes7 que le défaut des lois peuvent leur avoir fait’commettre. ...... .     ' ,

La délégationj ,dt? retour attvÇayes.j ne s’occupoit plus que des moyens‘qu’elle .devint met tre çn uSage pour.l’exécution des volontés de Sonthonax; mais ¡pour couvrir du voile de la loi la trame odieuse qu’elle ourdissqit, elle publia , par . une proclamation , que des mal-intentionnés, chefchoient à imprimer aux noirs des craintes sur leur liberté; elle déclara enfin qu’elle pour-, suivrait les agitateurs; il n’é toit d’autres agitateurs que les dé-légués et leur suite» Après cette simagrée, ou les délégués crurent avoir tout fait pour cacher leurs sourdes menées , ils se livrèrent entièrement à l’ivresse d’une aveugle vengeance qu’ils regardoient comme prochaine ( 2) ; alors les intrigues se renouèrent, et l’on

i ^1) Voye% la lettre.de Routhe'.) 'soirs lè n°. 6^

:                                                       C

vit des hommes tarés et notés par leur incivisme, installés-, pour-ainsi dire, à la délégation , où ils étaient journellement reçus avec les démonstrations les plus affectueuses , tandis qu’un accueil froid et hautain étoit réservé aux citoyens les plus avantageusement connus par leur républicanisme. Cette étrange Conduite jetta l’épouvante dans tous les esprits ; le général Rigaud , lui-même, en fut tellement frappé, qu'il écrivit aux délégués pour les prévenir que l’on cherchoit à surprendre leur bonne foi ( i ).

Le projet de Sonthonax, pour la destruction des hommes de couleur , étoit tellement connu , que les Jérémiens crurent devoir favoriser. En effet, ces mêmes Jérémiens qui, avant l’arrivée de la commission , persécutpient de la manière la plus horrible tous les républicains qui tomboient dans leurs mains, se bornèrent alors à exercer leur rage contre les noirs et les hommes de couleur. Ên voici une preuve. Arnaud Préty , „sortant du. Cap pour se rendre aux Cayes avec les dépêchés de Sonthonax pour ses agens dans le Sud, fut pris par un corsaire de Jérémie , et conduit dans ce port ; Arnaud fut fêté et renvoyé de suite , sans échange aux Cayes ; on lui permit même de faire sa route par terre, et de traverser tous les postes des Anglois dans uiie étendue de 50 lieues de terrein, tandis que l’infortïiïîé Paul Mentor f jeune officier noir, frère d’Etiënue Mentor, actuellement député , qui avoit été pris avec Arnaud ^ fut maltraité par les émigrés; on voulut le pendre ; on arracha son épaulette , et on P envoya chargé dé fers dans la cale d’un ponton , à la Jamaïque.

Le général Des fourneaux, .que Sonthonax avoit réservé pour porter le dernier coup au département du Sud , arriva auxCayes, en qualité d’inspecteur général :. ce citoyen étoit connu tr?s-

teàvahl&géùsêînënt' ^             par Suite des événemëns

‘qu’il avoit foiiieûtés au Port-Républicain ? en mars 1794 * lös Üômmès de couleur elles noirs dfevóieüt tout appréhender de là vengeance d’un homme dont ils ¿voient eux - mêmes provoqué rembarquement. L’envoi dé cé général dans le Sud étoit donc j hóu-seuleinent impoli tique j mais dângèteux à' la tranquillité publique; Observons que le commissaire Raymond déclare, page ix dé son 'rapport au. ministre de la mariné , que c’est Contre Son avis’ que lé général Des fourneaux fut chargé dé cette mission. Lé général eii chef, ToUssaint - Loùvéf ture / decí aré aussi ? page zà de ses conférences avec Sonthonax , que si*celui* pi; lie l’avôit pas :voulu , les ;màlheùrs^düoSû.d ne -séróiéñt^jias arrivés ; qu’il ¿voit écrit à lar commission et au général Lavaux ; pour leur Élire part de sé¿ craintes sw lés‘mäüvais- ^ poùvoit produire la:: présenté ¡deidDçsfcûfneauxauK CàyëS y il ëngageoit là commission a le rappeler ny Í toutes = lesi -inSïahcëà :dù commissaire Raymond et dirigen eral Æcnisssmt^Àd purent -’rien changer .dans les 'dispositions di&S&nthontsj la përtéàé'ià'païtië du; Sud étoit résolue; ......,?7;c           ! .Uihias-Hi Pnom

Malgré l’opinion défavorable qu’on avoit dû général Desfour-Meaux, malgré les, menaces iqu’il avoit.faites aux hommes.d.é Couleur dé. PAnseráyeaiu ,. où. .il xavoit débarqué;,, >. RigaiiÆdd 'teçut amicalement,, et lui offrit sa ¡maison * s à tablé $Lët ; tout cè dont il pouvoit disposer ; le priant d’agir ùvpc lui .sans aucune» gêne;. DesfoiLrnëaüx accepta , et, pendant quelque temps;, il.prit régulièrement ses repas chez Rigaud ¿ ainsi que tous lès officiers de son éta^m,àjôf;                       •    .        ?     ,

Án^sitót la maison du général Rîgàud devint un lieu dé jeu ; îë citoyen Dësïoutneaûx, lès bras retroussés j usqu’aux épauler, pas-soit les nuits à jouer avec fous ceux qui avoient la complaisance dé faifë sa partie. Un Soir que le général,Rigaûd , travaillé par la lièvre ? s étoit retiré de bonne heure dans sa chambre j lé gé-

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néral Desfpurneaux alla le voir, et ils eurent ensemble un entretien. sur les affaires publiques.. Entre autres, .choses ^ Desfou^ neauX lui dit:; : Sionvculoit arrêter Pinchinat ^ est-ce que tu t’y opposerais? Etonné, de cette question^. Rigaudlui demanda pourquoi pu arrêteroit Pmchinat ?— Oh ! dit-il., on en arrêtera bien d.’autres^que lui ¡ et situ w^ t’y opposer y tu comment ceroispar te battre avec. moi. Le général Rigaud, quoique peu endurant, eut la sagesse de se contenir.; ..il invita le, général Des--fourneaux à le, laisser seul et à se retirer; ce qu’ilfit : niais depuisce moment il ne garda ¡plus aucun ménagement envers Migaud. ;

.. (Çependant j., Les/déLégug^;pillüient les' ' caisses publiques^ s^-g^geoient, d?or ; et dek?râpineS' /• 'aûtorisoieht':pàr leurs dé-cr,|ts> ¡même .l’infidélité des administrateurs! qu’ils 'avaient nou^ yellemeilt choisis , <partagebient leurs brigandages entre une foulg- deiÇQttrtisâns;q^ le sang du peuple" et déyorpient l’écoitomie,dé troisrannées.: La demi-solde :? accordé© auxi:< .troupes,;-^usqtL’alors^ ;. néetoit .plus: payée y et la ration même du soldat fut réduite presque de la moitié, ( i ). Enfin y

pour assouvir cette soif dévorante de s’enrichir , les délégués firëii#QÎes; !ém:pi^nts C'p^ onéreux à la Ré— publiq^ïte^ avec; l'à '‘in&is^ frères , 'et compagnie. Cettè:' #âlsod éto^^^ léür^¿¿ard ' ce que celle de Lewingstôn aü Câp; étbit '4 jrégard dte’Leblànc / '( voyez, le'^ Ray-mWd* / 'page JW ^p j^ d’exemple' de Sonthonax ; ils firent l'a gtteïre <mjpc-‘Amêricains. ‘Dé§-corsaires^furent spécialement ‘ar-ffléS-ceiîitê'-e®!? alors d'n dut appréhender que îéS subsistances y que le continent américain fournissoit ? ne- vinssent à man-

quer; on eut à craindre de retomber un jour dans ces temps

11 )'j?oÿe^ T’adresse du second bataillon du quatre-vingt- * huíiiémí'rígiment {troupes européennes \ au gejiéral.Riga^ sOùs te h13 ^ dès pièces justificatives. . .. .. .. .;. ¡.; '

)

üê misère 'et-’ d’abattement où les1 Anglois et les émigrés en forcé nous avoieht réduits. Leborgne lui-même êtoit actionnaire sur plusieurs corsaires (i). Juge et partie dans lés contestations qui s’élevoient sur les prises, l’on doit pressentir quelle étoit l’équité de ses jugemens. Depuis jf la voix publique a accusé les délégués et Sonthonaxde s’être fait payer Cént portugaises , parles preneurs , pour la condamnation de chaque bâtiment, et les capitaines de corsaires disoient assez publiquement, qu’au moyen de cette somme., il$; rendoient valables tontes les prises qu’ils fai-soient sur le commerce américain : la .commission et ses délégués s’étoieht.réservés le droit de juger ces prises.

Le général Rigaud, dominé.par des lois supérieures,-, ne. pouvoit rien à tant de désordres; il supportoit ayec. patience, les vexations odieuses de ses propres concitoyens j et préféroit encore leur extravagance aux succès qu’auroient pu obtenir, les Anglois au milieu de ces divisions. Il sémbloit que ,1a délégation avoit des ordres secrets de favoriser les ennemis du nom français, par l’état de foiblesse et .d’abandon où elle ré-duisoit lés défenses de la coloniç. ’

Les délégués, toujours actifs pour grossir le nombre des ennemis des hommes de couleur, après avoir employé inutilement tou te la subtilité de leur affreuse politique , pour arracher des noirs des déclarations contre les hommês de ' couleur, tournèrent leurs regards sur les citoyens blancs qui, toujours prompts à s’armer contre leur propre ’sang , se sont prêtés à ces infâmes machinations. Un certain Dumaugeain , ennemi implacable des tetes jaunes , et ennemi particulier de-Lefranc , part de Saint-Louis , et Va aux Çàyes le dénoncer d’avoir voulu faire égorger les

(i)'Voye^'la pièce qui constate ¿a prise de douze-actions et demie, sur le corsaire U Sonthonàx} sous le nQ. 9 dès pièces justificatives, " '

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prisonniers qui étojent détenu? dans cette ■ çpsçllftùpje t les déleH gués écrivirent, à 1*administration munipipalp [ pour .avoir des renseigne me ns sur cette déposition.; celle-ci leur députa deux de ses; membres pour l^s, assurer ;de. la fausseté du fait 3 néanmoins ils affectèrent des crain .es à ce sujet y et ordonnèrent la translation, des prisonniers aux; Çayeg j afin, de les;mettre plus à portée.de servir leurs projets quand le. moment ,dfr?l’exéçutiou serait arrivé. < \

Peu detems avant là. translation de ces prisonniers, qui tous avoient été pris les armes à là main, combattant1 contre la Répu^ blique, les délégués accordèrent la liberté à plusieurs , et on n7s pas remarqué sans étonnement que leur choix tombent directe-ment sur ceux qui étoient les plus coupables} tels que Filtgérald , député de la commune de Léogane auprès des Anglais pour traiter de la livraison de cette place , en 1793« Bandait, officiel! dans la légion royale britannique de la Croix-des-Bouquets ^ pris sur Un corsaire anglôis après deux heures de combat; Jèan-Marie Noblet, capitaine dë port ^ au môle S. Nicolas ( qui avoit fait pendre plusieurs républicains ) pris aussi sur un corsaire anglois , après quelques heures de combats; op n’a pas vu sans indignation ces hommes r surtout Bauduit et Noblet ( i), squs le coup d?un procès criminel y sortir des prisons Je premier pour aller s’installer .dans les bureaux de l’ordonnateur Idlenger , eth second j. employé à la suite du général Desfourneaux. Ce. Noblet ayant trouvé l’occasion de s’évader depuis 9 s’est fendu directement au?môle , où je l’ai vu faisant l’inspection de la- rade dans le tems que j’y étois prisonnier. . ; , . ; ,. /

( 1 ) Il ne faut point confondre ce Noblet dont il est question ’ ici ayeç le citoyen Noblet r officier Administration de Mira-goine , qiù .est ^n républicain estimable ^ a eu f ho n^ neur de se ^trouver enveloppé dçnsrla proscription l^JiCéç pdf ËQltthonax çon^ fa. hçrnmçs & çoufar^ , û»;^ \

<3^5

La construction d’un fort (i) élevé par les ordres du général Rigaudf à l’embouchure de la rivière de l’Islet, fut suspendue par les ordres de la délégation. Lé général ne fut pas même instruit des motifs de cette impolitique suspension. La délégation défendit également qu’on délivrât sur la ^demande du général, les fusils et les munitions que le besoin faisoit tirer de l’arsenal. Les arrêtés que prirent les délégués, à cet égard , furent adressés avec des lettres d’envoi aux officiers subalternes qu’ils avoient chargés de leur exécution, et ils ne furent connus du général que parce que ceux-ci, en refusant d’obéir à ses ordres, étoient obligés de les lui communiquée pour justifier leurs refus. Ainsi on accabloit Rigàud d’humiliations , on entravoit toutes ses opérations , on l’exposoit au. inépris des troupes par sa nullité forcée ; mais de telles vexations ne pouvoient.exister que pour un tems; L’oppression est plus supportable sans doute que l’avilissement j et les noirs qu’on cherchoit à armer contre des hommes de couleur qui, pendant trois années, jouissoient de leur reconnoissance et de leur estime , n’étoient pas assez insensés pour croire que quelques hommes en puissance, dont les excès étoient si révoltans , tra-vailloient sincèrement pour la ''anse de la liberté.

La réorganisation de la garde nationale étoit trop nécessaire aux vues de la délégation pour qu’elle négligeât plus long— tems de l’entreprendre ; en effet, l'ancienne fit place à la nou-

( i ) Ce fort existait de tout temps , et non élegé dans ¿’intention d'opprimer ¿es citoyens.blancs? comme font osé avancer Lachapelle et Garrigpu. Cette batterie était construite en terre ? ' et comme elle avait besoin de grandes réparations, le général Nigaud a ordonné de la reconstruira en neuf z cette opération était près qu'achevée cl F arrivée de la commission à Saint-Do^ mingue ; et quand les délégués en ordonnèrent la démolition? il ne restoit plus que les canons à monter^

J ^tV^J.»p & ftJáqij ÿ? dp ssnrs 27 V afapj #3S3Â ^^ swut ? aqqa.taijnoj^vq uofnp apjvSvq vifuoo inq aqqa 1 sdiuai-Suoj sind -ap noiafojd no pib 1 svoiwisaAiv sapuvjâ saq wiv/as- imionap inb¿nobajavb ‘ ¿jvjtf. 2p aqojvd vi ans luawaqqai waAqjdiuoo sqnSaqapsaq.luvpuaddJ ,*sibxub(. iBaaquioiaa Ájx ai anb apensaad ?gíos ia ‘ uoimjoAM b[ ap inatuoauaninioa pe aipj ie¿í anb ainBj B{ siouapa ai c paanaS * a|pnbttBai îaioç .1 juvsip' in? 1/3 * ¿naqnOO 3p 33SVÔ V¡ 3.131/00 3qUlV.ll 3103? inb VOllVAldsVOO aqquAOHJ ap 3-ivd 3if qi inb p < pnvgpg qvjquqâ % layo anns dp iipvn as 33 c vJijdj 3? * SiluoAd moi Aiodv s^idv * oavj^ 'Sap&jviuVd svdioúv sas shot ¿mijom v 3p3J3SiAO3nv q 33 c pn^ Tip voiâqq vi ap apvSuq ap Japo ap aqqao ajip-p-isap 1 ovv^a^ ap aovqd.vq 3V3Aiuio/dinq sqt c siafoid saoap 3.cvd 3ivJ ¿íoáv qnq sajdv ta { vouvSapp VJ v luaiapvvm aq sqt í oxv^p áp Hop -unuijjapiios ap luainiosp sqf 'siafojd sima} libias p sasdoad SvauiTUisui sap aiüiuoo ( av3^oqari p vsodóid sp ‘itemai -aipojiíBíJ M0SS10UU03 saj inb ‘ J&d 'sanbmqod suo.ip slna} ÿP ioioiaxaq iiuvpa.i jzialö^v p-xnao anbsioq ¿ .mapioo appsauiïuoy saq 3.1TUG3 sanan saq siidïuàïoitv sqi 1 sa£vj sap souvqq saq jvd s^ivêa í ¡Mid]zip) Ha^OTto np saAVqosa TUVAdp-ta ¿¡toil xnap iuos sauiwoq saj 'qvdpiunui xat^o c qnpqvp^ vaÛoni) np apelas-Tin f ioaq puodas aq la 1 HôuvSqqqp Hq p anbiisauiop iiojq aaiiua^d vq ÎHâSSOf ta O-SV]^ sua^oiio saq ivos aj -sqnSqqqp sap suias -sap saq iiiaioïq sqanb aMioiruoo apvf anod * xnap jaiio na siop ai* aqvuoitvp apivS anao ap saaioiffdxnvaitnou saq iui.iv¿ ( i )

no ia ‘ xubooiíbú sapanS na sasiut’Sao tssub saja inâroAap auiBfd Bp ap sanàîBAppo saq *(i) noppSapp q and sauraiou itiaioia

n’attendoh ; pour le faire / que l’arrivée des fusils qu- on aVoïÊ demandés à la commission;          *             \

Le général Desfoiïrneaux nnissoit ses èfforts à ceux des délégués. Le choix de ces individus ? dont l’aspect seulfaisoit frissonner les habitans de-Saint—Domingue, prouve invinciblement, et plus que ne le pourvoit la masse de pièces et de titres que j’ai entre les mains ; quels étoient les desseins perfides de ceux qui les employoient. Les délégués agitoient en' tous sens la garnison des Cayes. Ils promettôient des places* aux uns et dés récompenses aux autres. Par le moyen del’aide-de-camp Edouard ( noir , ancien ’ domestique de d’Orléans ), ils distilloient plus librement le cruel venin de leurs calomnies ;■ enfin , la délégation et ses sicaires étoient parvenus à mettre le département du Sud à la veille d’uiie subversion générale.

Mais ils étoient retenus par la présence du général Rigaud qui, prévoyant que ses ennemis le rendroient encore responsable de tous les maiix qu’ils préparoient, usoit de toute sa prudence et de son activité pour arrêter la colonie sur le penchant de sa ruine; la délégation résolut de s’én débarrasser et de l’occuper contre les Anglois de Jérémie.

Le général Rigaud obéit ; ayant une connoissance parfaite du terrain qu’occupoit l’ennemi, il proposa dans le conseil de guerre un plan d’attaque dont la sagesse réppndoit du succès ; mais les délégués qui ne vouloient que se débarrasser de la présence d’un homme qui gênoit la grande opération qui devoit avoir lieu , s’embarrassoient fort peu du succès* de l’entreprise formée contre / Jérémie ; ils rejettèrentle plan du général Rigaud, et en arrêtèrent un autre , dont les dispositions ne prouvoient point l’ignorance ? mais bien la perfidie; l’armée devoit périr toute entière : aussi fut elle battue par un simple poste avancé de trente hommes.

Les forces étoient divisées et dévoient se porter sur trois points différons ; la colonne du centre ? forte d^/diz-huit cents homijies,

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«toit commandée' par le. général Pesfottrrieaux, celle guidée Rar le général Rigand étoit de douze: cents hommes , et celle sous les ordres du chef de bataillon Doyon aînéyétbit composée de six cents hommes. .. . , *

La délégation disposoit de toutes les opérations de l’armée; elle descendoit dans les détails les plus minutieux sur les mouve-mens des troupes ; ensorté que les généraux ne sàvoient plus à quoi on les destîuoit. Les délégués marchèrent à la tête de la colonne du centre y avec une pompe et un faste que jamais les consuls de Rome ne mirent dans leurs jours de triomphe. On né peut se figurer le ton superbe de ces hommes, qui affectoient toute l’insolence des fois.

Sous le vain prétexte d’acheter la trahison d’un émigré commandant sous les ordi es des Anglois (i) 7 les délégués se firent donner une somme de jo7ooo francs (2}; ils dévoient en faire passer 33,000 à celui qu’ils estimaient devoir livrer le poste Raymond ; mais ce poste n’ayant pas été livré, et l’argent très-certainement n’ayant pas été donné , il est permis de demander qu’est donc devenue, cette somme qui n’est pas rentrée au trésor.

La délégation avoit tari toutes les ressources publiques (3) ;

(zf Cette somme a été'fournie par la maison Natham f frères, partie en argent ? et partie en billets à ordre et en lettres de change en faveur d'une femme sans mœurs que Leborgne avoit laissée à Paris. Voy. ces pièces sous les numéros 22 et t^ des pièces justificatives

(ji) La dépense personnelle de la délégation s'élevait ? pour deux mois , à 300,000 livres. Observe^ qu'à leur arrivée' aux Cayes , Leborgne et Rey 11?avaient presque pas même de linge* Le jour de leur réception, le 'citoyen Rey n’avait pas de bas 1 f étaient.ses bottes qui lui en seryoient»

(4M    .

fine lui restait plus qu’à sacrifier lès meilleures troupes de U colonie, et qui pendant tant d’années avoient fait des cam* pagnes aussi belles qu’importantes*         . •

L’armée s’étant mise en marche ( 20 thermidor ) la colonne du centre s’approcha du camp Raymond, situé sur la mon-» tagne de Pliniouth. On députa vers ce poste un parlementaire pour présenter l’amnistie que la commission du gouvernement aVoit accordée à tous les Français coalisés avec lès Anglois. Le Directoire remarquera ici de quelle manière favorable ou traitoit les traîtres et les royalistes, et de combien de persécutions et d’amertume ôn abreuvoit les citoyens fidèles elles zélateurs da la République.

Le parlementaire fut accueilli d’une décharge de mousque— terre , cemme on s’y attendoit ; et le combat s’engagea. Dix-huit cents hommes échouèrent devant une petite redoute. Le général Pesfourneaux, après avoir exposé sa troupe au feu, compagnie |>ar compagnie ? après avoir réduit sa colonne à presque rien, se retira en laissant une pièce de canon au pouvoir de l’ennemi.

Arrivé au camp Perin, quartier de réserve > le général ne put plus se contenir 5 il laissa éclater sa haine contre les hommes de couleur j ■ c’est là qu’ayant rassemblé les restes de ses soldats mutiles j il leur tint les discours les plus infâmes 5 c’est là qu’il fit’ fabriquer une liste des hommes qu’il prétendoit avoir fui lâcher ment du combat, lesquels dévoient être traduits à un tribunal militaire pour être jugés j quel fut son étonnement ? lorsqu’il Î^ 1 aPpel nominal des proscrits ? et qu’il apprit que la plupart de ceux dont les noms étaient portés sur la fatale liste ayoient été |:ües où blessés dans l’action ? (1) Ce seul fait devoit convaincre le général Desfourneaux de son erreur. Cependant, il n’en poursuivit pas moins la recherche des prétendus coupables j il s’in— ........... 1                           -                    .     .         ; .’ jj »j. ..-

Signa contre les Braves'militaires de la legión}' et ne put tairif les éloges outrés qu’il1 donna à la garde nationale et aux troupes blanches. Mais qu’étoit cette garde nationale ? Un canevas .de vagabonds ,, de gens, sans, aveu que la délégation ayoit levés pour en faire l’appui de ses manœuvres horribles. La troupe blanche étoit, à force de corruption et de calomnie, devenue l’ennemie des hommes de couleur , et les louanges du général Desfourneanx ne tendoient qu’à lui faire sentir la prééminence de sa couleur et l’infamie des autres peaux. Les légionnaires s'indignèrent aussi à.leur tour 5 sans la prudence du cheÇ de bataillon Dénard y il se seroit passé ce jour là une scène ? dont I horison de Saint-Domingue n’avoit peut-être pas éclairé de pareille.

Les délégués qui s’étoient retirés aux Cayes après la retraite de la colonne du centre, imitèrent le général Desfourneaux, en comblant d’éloges , par une proclamation, les troupes blanches 1 et en diffamant le cçrps. de la légion. Ils firent bien plus,, ils comparèrent la retraite . du général à une victoire complette , et. approuvèrent les avancemens qu’il ayoit accordés dans le militaire. .

Le chef de bataillon Doyon fit son devoir} il n’eut pas de-grands succès , mais il n’éprouva aucune perte. - ‘

Le général Ri gaud, malgré là foiblessé de sa troupe , eut. des avantages qu’il ne put poursuivre ; il avoit établi savamment, ses batteries} il étoit au moment d’obtenir les succès les plus brillans comme les plus décisifs, lorsque les troubles des Cayes , ( suscités perfidement pendant son absence 5 le forcèrent à venir au^ secours de la ville.

Les délégués toujours extrayagans et obstinés , n en poursui— voient pas moins leurs attentats ; des arrestations continuelles et arbi’faires, exercées sur les-meilleurs citoyens, échauffoient de

(4M.

plus en plus lès espritsDéjà, dès leur^arritéey ils'avoient ein-» piôyé tous les moyens, de la rusé et de là corruption, pour se saisir de Pinchinat y et l’envoyer comme une victime garottée', à Sonthonax', qui bruloit du désir de l’avoir en sa puissance , et d’anéantir, par sa mort, un trop formidable témoin dé ses forfaits. Pinchinat vivéit isolément;- il couloit des jours tranquilles dans la retraite, sans fonctions , sans biens : on ne pouvoit donc l’accuser d’avoir fait servir l’ambition qu’on lui reprochoit, à entasser des richesses et des dignités ; mais il étoit homme de couleur, et par là coupable : il étoit l’auteur des concordats qui avoient assuré la liberté de ses frères , et par cela: même plus coupable encore. Son titre de député au Corps législatif avoit été annullé par la seule volonté de la commission : ce généreux citoyen, déjà sur l’âge, en butte à toute la violence de ces sicaires, est obligé de.fuir et de se ¿cacher dans les montagnes. L’ex-ordonnateur Gavanon fut mandé par la. délégation four le consulter , dispit-elle , sur un réglement pour la culture, auquel elle trayailloit 5 Gavanon , dont le tèle pour les intérêts de la République lui fait un devoir de concourir à tout ce qui peut tendre à sa prospérité ,.se rendit.en diligence auprès des délégués , accompagné du perfide Brébion,,qui avoit été le chercher. (1) Aussi-tôt qu’il est rendu , il est saisi et. conduit à fond de cale , à bord de la corvette V Africaine, où il est déposé. Les scellés sont posés à minuit chez, lui, par ordre des ^délégués. Le citoyen Tuffet-Laravine (2), propriétaire, homme paisible, est aussi

( 1 ) La délégation étoit parvenue, à démoraliser tous ceux qui l'entouroient. Çe citoyen Brébion avoit des obligations au citoyen Gavanon, de qui U avoit repu de grands services z c’est ce même homme qui a été tromper son bienfaiteur, en lui parlant ¿un plan de culture lorsqu'il ¿étoit question que de ¿arrêter, • .

no

êidëvé ¿e sofr ctomicite j?^       des cris ët ¿es gêmïsàéîtiëos ^

sa famille éperdue ? et traîné impitoyablement vers cette bastillé flotante», Le chef de bataillon Faubert , les citoyens Gaston« îluvivigr et; Noblet, officiers . d’administration , le premier au. petit Gôavèr, et lésécond â\Miragoine, avoiént été mandés ? et «e.. rendaient aux Cayes où on les attendoit poür peupler cette nouvelle prison.

Cés arrestation^, qui avoiént suivi ünë foule de destitution? ^ s’exécutoient la nuit , au. mépris dé l’article de la constitution; toiitetoit menacé ? une terreur effroyable pesoit sur tous les cœnrsi Le peuple voyoit avec douleur et bientôt avec in-r indignation , et enfin" avec rage, les vexations dont on accabloit lesplus zélés défenseurs de ses droits.

Le chef de brigade Leffänc, commandant tëirnporairë à Saint-Louis j qui jonissoit de l’eâtime ët dé là confiance , qui, pair soii - SLCtivité 'èt ses soins péiir là culture ? àvoit' imprimé une régu-» lârité admirable à toutes lès habitations comide à tous ]ës ateliers^ lé citoyen Lefranc rëqdt, le 10 fructidof? la lettre suivante dit général DësfôurnëauX : « Je vous invité, mon cher camarade ? ï J> vous rendre de suite aux Cayes , où votre pfésencë est néces-» » sàiré ; je vous attends ». Léfrané ? plein de zélé pour son devoir^

«*<»MW-*>MM*>ÍM<M»*taMMMwiMM<MÍM^^

la. délégation., d’avoir mal parlé dé Sonthonax^ Au sujet de cette arrestation, il existe un fait qu'il est bon de connaître pouf fügende la tyrannie de cés proconsuls.. Le conseil assem~ blé t le citoyen Kerverseau représente à ses collègues qu’ils ne pouvaient jsans blesser la constitution t faire arrêter et déf porter un citoyen contre lequel il n'existait point dé grief qui puisse autoriser des' ihes'ures aussi rigoureuses* Oh! dit Le-* borgne ? si nous voulons suivre la constitution nous ne finirons jamais. Ces opinions ont été rendues publiques par Garrigouj ^órétaire^généríii dé la délégation, —

' fet péilétre dé l’obéissance que l’on doit à ses chefs, Sê • rendit de suite auprès du général. A peine celui-ci l’éùt“il aperçu , qu’il se jetta sur lui; le désarma; et-sahs ordre ni information, il ordonna son transport vers la corvette. Lefranc ayant trouvé l’occasion d’échapper à cette inique translation ; en profita avec prudence. Un aide-de-camp du général .Desfourneaux , aussi inconséquent qu’imprudent ; courût^.après lui le sabre nüd à la^ jnain, en criant de toutes ses forces : « Arréte^-moi ce mulâtre,. « arréte^-moi ce mulâtre ...... A ce mot de mulâtre qui ne retrace plus que des idées d’esclavage , le peuple s’attroii^e ? frémit, et se rappelant le souvenir.du massacre du 14 juillet 93 * opéré dans la même ville et à pareille heure ; la fureur s’empare de tous les citoyens , des cris aux armes S’élèvent de toutes parts i il semble que les mêmes dangers menacent les noirs et lés hommes de couleur.; lorsque; dans cette journée de juillet, les blancs assassinèrent les uns et les autres-sur l’àiitel même de la patrie, ils avoient juré une réconciliation parfaite. Lés délégués, de leur côté, firent battre la générale : le trouble est bientôt à son comble.

Les noirs , les hommes de couleur et une partie des blancs* courent en foule s’emparer etse mettre en sûreté dans les forts de l’Islet et de la Tourterelle. La délégation réunit à elle le?r$ste. des citoyens blancs qui étoient restés en ville. C’est ainsi qu’eut lieu la plus funeste catastrophe le jour même de la promulgation dç la constitution. (1)

( ï ) Il est à remarquer que depuis Iarrivée de la commission trois mois s’étaient déjà écoulés > et qu'elle n'avoit pas publié Itr constitution. Les délégués avoient réorganisé les tribut naux et remis en activité lès municipalités } en suivant tantôt les formes voulues paK la constitution^ et tantôt en les foulant aux pieds, suivant que cela étoit décessaire ou non 4

t48 )

;,.-;ts guerre civile; estdè's-lorS organisée. Le vœu dè SonÆoiia« ès t. .entièrement .accpmplij. ¡tous les citoyens sont armés lés; ùhS contre les autres. Cet agent .du gouvernement doit s’applaudir ¡de voir Ses délégués suiv.re avec tant de soin ses décrets ; il1 dut s’applaudir d’avoir remis toute sa puissance entre les mains des

leurs vues. Sonthonax qui , jusqu'alors, avait applaudi ses agens en, tout, désapprouva cette fois leur conduite ; il leur disoit) dans sa lettre du zg Messidor an 4; «En réintégrant ;» dans ses fonctions l'administration municipale des Cayes, » vous ave^ également, citoyens , outre-passé vos pouvoirs.

» D'abord cette mesure est prématurée dans Tétai où se » trouve la colonie ; souillée encore par la présence des Anglais, » livrée à des troubles intérieurs, il est impossible de rendre'ù n T autorité municipale tous ses droits, sans enlever beaucoup n à T autorité militaire ),.qui même, sous le rapport de la. pé^ » lice, nous est nécessaire* jusqu au parfait à établissement dé » la paix. Nous avons pour guide et pour exemple, à cet égard; » la conduite du directoire de France, qui a. momentanément » suspendu l'autorité civile dans les départemens voisins de ?y*la Vendée et autres lieux insurgés ». Comment concilier ces phrases de Sonthonax:, avec celles qu'il débïte au Corps législatif, ainsi que son collègue Leborgne , contre T usurpation, des pouvoirs des commandans militaires, et sur l'état d’avilissement où ils prétendent avoir trouvé les municipalités : il est vrai que les municipalités avoieni perdu leurs droits', et"'que toutes leurs fonctions se. bornaient ,à. enregistrer les\acte$ de naissances, mariages et décès , mais if es.t faux d c'était les commandans militaires : qui- les avaient. réduites,à, cet état de faiblesse, puisque, c’est d'après une proclamation. de Polverèl et Sontho/iax qu’elles, avaient, cessé les patres fonction qui leur étaient attribuées par.la loi, , J                 —h

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Rey et des Leborgiie pour agiter un département qui, depuis trois années , n’avoit éprouvé aucun trouble.

Bientôt après, la délégation ordonna une attaque sur les.forts, de l’Islet, mais elle n’eut aucun succès, et les républicains triomphèrent- malgré les soins et les rjaoyens empressés de la corruption employée pour soulever la troupe, elle demeura fidelle à la cause publique , et par son inaction et par sa contenance immobile , elle sauva ce département prêt à être embrasé.

La délégation , prévoyant les maux qui dévoient résulter de la disposition où elle avoit mis le peuple, crut pouvoir réparer eiï un moment les désastres qu’elle s’étoif livrée à fomenter pendant toute sa mission 5 elle fit des arrêtés insidieux , tandis que le peuple demandoit à grands cris laliberté des individus que la vengeance , la haine et l’esprit de subversion avoient fait incarcérer. Les délégués appelèrent à leur secours le général Rigaud ? qui alors étoit occupé au siège des Irois j les opprimés en firent autant. Rigaud étoit le. seul en effet qui, par sa prudence et par la confiance dont il jouissoit, pouvoit ramener le calme au milieu de tant de désordres. Ce fut à lui qu’il étoit encore réservé de sauver ce département de la férocité de l’anarchie , comme il l’avoit tant de fois préservé contre toute la violence et la fureur de l’Angleterre,

L’armée aux ordres, du général Rigaud étoit déjà instruite des troubles des Cayes ; elle, fremissoit d’indignation de voir que pendant qu’elle étoit occupée à combattre les ennemis de la République , on avoit profité de cette absence pour accroître l’oppression publique ; ce fut dans ces conjonctures que le général Rigaud reçut l’ordre de se rendre en hâte aux Cayes. Les campagnes étoient dans la plus grande agitation , des grouppes nombreux les parcouroient dans tous les^ens , et l’on avoit à craindre que les différens partis qui divisdient alors la colonie , ne profi-

tasserit de ces circonstances-fatales pour se livrer au pillage , 2 l’incendie, à l’assassinat. Rigaud tâchoit de remettre P ordre partout où ilpassoit ; il învitoit les citoyens au calme , à la modération; il s’efforça par toutes sortes de voies d’appaiser le ressentiment de tant d’hommes irrités : la déférence qu’on lui marqua d’abord prouva combien étoient grands les torts de ceux qui avoient provoqué un tel renversement : mais plusieurs victimes avoient déjà,été immolées.               ' '

Rigaud arrivoit avec la troupe nécessaire au rétablissement de l’ordre, lorsque des coups de eanon ? tirés du fort FIslet ? répandirent l’alarme , et attirèrent une foule immense de cultiva-1 leurs qui se portèrent sur la ville , en franchissant les fossés et. les remparts. Le départ clandestin de Rey et de Desfourneaux qui sembloit déceler des coupables y avoit doimé naissance à ce tumulte ; les coups de canon étoient dirigés contre le bateau qui les portoit, pour les contraindre à retourner au port.

Lès délégués Leborgne et Kerverseau reconnurent alors leur insuffisance ; ils prirent en conséquence un arrêté par lequel ils remirent. au général Rigaud tous les pouvoirs nécessaires pour ^établir l’ordre et la tranquillité publique. Cet arrêté fut apporté au général avant son arrivée aux Cayes par le citoyen Desclaux^ ¡commandant de la garde nationale ; ainsi / c’est à tort que ces. délégués prétendent aujourd’hui que c’est sur la demande de Rigaud que cette ampliation.de pouvoir lui a été conféré^, (i)

Nous n’étions pas encore arrivés aux portes de la ville ? que nous entendîmes des coups de fusil de toutes parts; une multitude incroyable de cultivateurs s’y étoit déjà introduite, et la mort précêdoit leurs pas. Au milieu de ces scènes affreuses , le général Rigaud donne des ordres partout pour arrêter le cours

.

(i) Voye^ cet arrêté fous le n». 14 des pièces justificatives.

í5 r j

fies vengeances; il ordonne aux officiers qui l’entourent de volet aux secours de leurs concitoyens en danger; ceux-ci y accourent, et arrachent à la fureur de ces hommes exaltés, huit cents pei-sónnes, lesquelles trouvèrent un âsyle chez le général Rigaud , où on aÿôit préalablement fait placer une garde nombreuse pour les protéger : leur vie fut en effet conservée, mais au milieu de cette absence des lois, lorsque les liens de la discipline et de l’obéissance avoient été rompus par la délégation elle-même, le général ne sé trouvait pas des moyens assez répressifs pour protéger les jours de céux qu’un peuple irrité rencontrOit dans les rues. Une quarantaine d’hommes furent immolés à la vengeance long-tems comprimée des citoyens les plus emportés.. On ne peut douter que ces mouvemens n’eussent été beaucoup

' plus étendus sans les efforts du général Rigàùd, qui courut les plus grands dangers , dont l’autorité fut méconnue, et qui fut même foulé aux pieds. Il parvint enfin , par ses conseils , par son ardeur , par la sagesse de ses proclamations , (i) à réconcilier peu à peu les différens partis, à remettre l’ordre dans la ville et dans les campagnes, à replacer la confiance et la paix dans la situation où elle s’étoit trouvée avant l’arrivéb des agens et des complices de Sonthonax.

Après l’éruption dé ce volcan affreux, les délégués perdirent totalement la confiance , et le peuple ne voulut plus reconnoître leur autorité5 les citoyens, avisant au moyen de maintenir la. tranquillité , confièrent au général Rigaud les rênes de l’administration des affaires publiques, jusqu’à ce que le gouvernement eut pris d’autres mesures à cet égard. (2)

P 2

La commission ayant été instruite de cette terrible réaction y s’empressa de rappeler ses délégués, et d’envoyer aux Cayes les généraux Martial-Besse et Chanlatte., pour prendre des.rensei-gnemens sur les événemens qui venoient de se passer. Sonthonax couvroit, par ce choix, la poursuite de ses projets y et quoique es rapports de ces généraux, ainsi que du général Beauvais , fussent favorables à. Ri gau d et conformes à la vérité ? il ne se prêtait qu’aux discours et aux écrits mensongers de ses délégués ? qui ne présentaient les objets que sous le point de vue le plus propice à leur conduite. C’est sur ces dernières considérations que le machiavélique Sonthonax établit les bases de son horrible proclamation du 13 Frimaire an 5.

Sonthonax, avant cette mesure atroce, avoit rompu toute' Communication avec la partie du Sud, en refusant toutes les correspondances qui .pouvoient lui être adressées , et ne voulut correspondre qu’avec les deux, nouveaux agens qu’il y avoit députés , mais qu’il ne tarda pas à persécuter, parce que ces deux braves généraux, qui a voient combattu avec tant de gloire pour Ta liberté coloniale, ne voulurent pas servir d’instrument aux nouvelles vengeances qu’il ayoit méditées sur les citoyens du 4 avril.

Le général Rigaud conserva ; pendant.cette scission, les fonctions qui lui avoient été confiées d’après le vœu très-prononcé de. tous les citoyens réunis , et de toutes les autorités publiques de ce département* Une se rendit qu’avec la plus grande peine à ce témoignage de l’estime générale , et n’accepta de nouveau sa. pénible administration que pour réparer 7 autant qu'il étoit en lui , les désordres excités avec tant de rage par une perversité si constante et si soutenue. Il n’accepta que pour prouver au directoire qu’il était toujours l’homme de la liberté ; qu’il ré-pondoit de la conservation de cette colonie tant qu’il seroit chargé decetteysnry,eillqnc0, et .qu’il espéroit. enfin, que Je gou-yernement. francois^ le déchargeroitdu- poids de ces .fonctions

rigoureuses et délicates ? par le choix d’un successeur ami delà; liberté de tous ? libre de lâches passions et exempt de préjugés.

Telles sont ? citoyens Directeurs ? les causes qui ont produit les malheureux événemens des 10 et 14 Fructidor. Je ne prétends point justifier les meurtres qui ont été commis dans ces journées mal- . heureuses ; mais si je suis parvenu à faire connoître les auteurs« rtès-directs de cette funeste catastrophe, je' croirai avoir touché à mon but. Sous quelque point de vue qu’on puisse envisager ces événemens, il n’en demeurera pas moins prouvé, qu’ils ne sont què le résultat de la défiance qu’imprimoit dans tous les cœurs la conduite désordonnée des délégués) ils ne sont que l’effet du désespoir général d’un peuple calomnié , 'avili, que des persécutions injustes ont conduit au bord du précipice, et qui, pour ne pai .s’y laisser engloutir ? s’est vu forcé de reculer en arrière, etde sè faire jour au travers d’une multitude d’ennemis quilepressoit j ils ne sont enfin que l’effet de l’indignation publique, produite par cette odieuse proscription lancée contre une tribu de citoyens par Lavaux, et sanctionnée par Sonthonaxi Quel homme sans prévention qui ne se révolterôit pas de la conduite de cet infâme dictateur , qui ? pour assouvir des vengeances.personnelles , sacrifie à sa haine particulière l’intérêt général et lé biert de son pays! qui substitue à la loi sa volonté et sa souveraine puissance , et qui foule aux pieds la constitution qui devoit être le seul guide de toutes Ses opérations ; qui proscrit une classe d’hommes qui n’ayoit cessé , et qui ne cesse encore de donner les preuves les plus authentiqués de son attachement inviolable à la République y tandis qu’il accorde amnistie aux traîtres qui avoient livré le territoire françois à ses ennemis ; qui refuse des armes et des munitions de guerres aux défenseurs de la patrie ; et qui en distribue à des hommes qui én' ont fait Usage contre elle ) qui n’a investi d’une si grande autorité dés hommes réprouvés de toute la colonie, que pour secouer les brandons dé la discorde et de la guerre civile dans cette portion intéressante de l’isle ; qui'

fouisspit, à la guerre extérieure.près ., de la plus brillante prospérité. Les délégués j après avoir pillé le trésor public, ont laissé le département du Sud surchargé de .7 millions de dettes qu’ils avoient contractées pendant les deux mois qu’ont duré leurs fonctions. Oh! Sonthonax! Sonthonax ! que de maux ta défiante tyrannie ,. ta dévorante ambition et ta soif de domination ont causés à mon malheureux pays !. .’.

Je crois qu’il n’est point étranger à mon sujet de faire, connoître .comment Sonthonax , en.annullant la nomination des députés du Sud et de l’Ouest au corps législatif ? résultat'du vœu libre et spontané des électeurs , leur en. a substitué d’autres, de son choix. Le nombre des électeurs que deyoit fournir chaque canton étoit fixé parla proclamation du 1 g 'thermidor j et par une raison toute simple, les càntons du Nord, qui sont dépeuplés., fournissoient néanmoins, plus d’électeurs que ceux du Sud, dont la population est au moins un tiers plus forte. La réunion de tous lés électeurs, en une seule assemblée électorale1, tenue au Cap , lieu de la résidence dé la commission, étant une mesure indispensable pour s’assurer des votes, elle fut décrétée , malgré l’interruption par terre des communications , et les dangers que l’on couroit par mer pour se rendre au Cap. Ainsi, la constitution fut mutilée dans toutes ses parties.; mais quoique toutes ces mesures parussent coïncider parfaitement avec les vues de Sonthonax;' . quoique les bulletins fussent distribués à la commission même, et , par íes ordres , les bons citoyens alloient l’emporter sur l'intrigué .et là cabale, lorsque Sonthonax.perdauttoutespoir d’ètre nommé^ fit agir le dernier ressort de sa politique monstrueuse pour parvenir à son but- C’est alors que l’on vit Je général-de brigade Pierre—Michel, électeur du haut du Cap /suivi de cinquante dragons bien armés, investir le lieu des séances de l’assemblée, et ensuite s’asseyant au- milieu de ses.'collègues., étonnés, déclarer que s'ils ne nommoient ' pas Layaux €t Sonthonax,. il ailoit mettre tout à feu et à sang.. ■ / >

Presque toutes les communes du département du Sudn’avdïenï point envoyé d’électeurs à cette assemblée du Cap £ lèï communes de l’Ouest qui y avoient envoyé , non-seulement ont-protesté contre les opérations de cette assemblée, mais les électeur» eux —mêmes ont protesté aussi contre leurs propres opérations. Toutes lés communes persistèrent de nouveau dans le maintien de leurs élections de Germinal an 4, et invitèrent les députés qu’elles avoient investis de leur confiance., de se. rendre à leur poste.

Parmi les députés nommés en Fructidor, au Çap ? et qui siègent aujourd’hui au Corps législatif, il en est qui possèdent l’estime et la confiance de leurs concitoyens, et qui ont des droits pour représenter la colonie ; mais il n’én est pas moins vrai que Sôn-thonax a usurpé le pouvoir législatif, en annullant les élections qui avoient été faites avant son arrivée dans la colonie, pour se faire nommer député lui-même ; il ii’en est pas moins vrai, que la volonté de Sonthonax, appuyée par la force des bayonnettes , n’étant pas celle des électeurs, Saint-Domingue ne peut pas se dire représenté au Corps législatif, (i)

Citoyens Directeurs, nous savons que tousles maux dont vous venez de voir le récit , n’ont été opérés par ces agens, que parce qu’ils ont secoué le joug des lois, et méprisé vos propres instructions j et nous voyons, avec reconnqisssnce, yos soins paternels s’occuper à réparer les désordres occasionés par des prévarications que votre justice a déjà jugées par l’envoi dans la colonie d’un pacificateur illustré.

Depuis que la nécessité, la plus impérieuse de toutes les lois, a occasionné le départ de Sonthonax , toutes les communications sont parfaitement rétablies entre les parties diverses de la co-. Ionie, le département du Sud présente l’aspect flatteur de la

( i ) Fbyq les protestations ¿es communes et dés ¿lecteurs ; sous tes nfà z^ 'et z y 'des pièces justificatives *

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prospérité la plus brillante / et de la fraternité la plus intime. Les mïssivesi les plus récentes nous représentent la colonie persé-gérant toujours dans cette rassurante attitude : de coupables desseins, tendroient peut-être à vous la peindre sous des couleurs plus sombres ; mais ces peintures de l’imagination perverse seroi.ent aussitôt effacées qu’elles voudroient s’exposer aux regards- du public. Il sera facile de pénétrer’ ces futilés et pernicieux moyens , qui ont déjà été employés par l’intérêt per- -sonnel ; il sera toujours de mon devoir de les combattre } et de.prouver au Gouvernement l’authenticité des faits renfermés dans ce mémoire ; comme la certitude de la prospérité réelle .et permanente de Saint-Domingue } depuis que les auteurs de ses troubles et de sa désolation , ont reflué dans cette Europe , où le tribunal de l’opinion publique les a dès longtemps jugés.

Tel est le compte que je rends au Directoire 7 auCorps législatif et à la mère-patrie j .de la conduite dugénéal Rigaud dans le commandement du département du Sud de S. Domingue. Je le dois, ce compte intéressant, a la patrie,comme citoyen :à la justice administrative, comme témoin d’actions généreuses que l’im-posture puissante veut dénaturer , pour en faire la source de nouveaux désastres’: à l’honneùr militaire , comme frère d’armes d’un général vertueux dont le courage m’a enflammé, dont le républicanisme m’a toujours dirigé contré les ennemis de la liberté et du nom irançqis, dont la pureté m’est connue comme mon existence , dont la réputation m’est devenu® aussi chère que mon propre bien.

A l’égard des calomnies réitérées contre le général Rigaud , dans les mémoires qui viennent d’être répandus avec tant de profusion, et colportés par ses vils détracteurs dans tous lessièges des autorités constituées et dans tous les.cercles; il suffit de.faire observer que tandis que des lâches trayailljept à le perdre dans l’esprit dé ses magistrats et de ses concitoyens à deui mille lieuesde lui, ce brave

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•général verse son sang pour défendre sa patrie et poûr faire triompher la liberté. A des imputations controuvées, il répond par des faits éclatans, à d’obscures menées y par des victoires glorieuses j à l’acharnement qu’on met à le diffamer, par la constance qu’il met à donner des preuves d’une inviolable fidé-: lité. On l’accuse depuis quatre ans de chercher à pactiser avec -les Anglois : depuis quatre ans il a été couvert de blessures en, . combattant contre les Anglois, On lui impute Vidée de livrer le territoire à ces intrigans insulaires , et tout ce que nous en avons , arraché des mains de ces perfides ennemis , leur a été arraché par son courarge, par son intrépidité, par son génie. On va jusques dans l’avenir lui chercher la possibilité des crimes, et je puis plus sûrement lui trouver dans l’avenir la réalité des vertus, en affirmant que Rigaud conservera à la République j arrachera aux Anglois le département qui lui est confié , ou qu’il périra en vrai républicain. Voilà comment un militaire répond à de lâches calomniateurs , et voilà comment un militaire défend un autre militaire t dont il reconnoît invariablement la fidélité et l’héroïsme.

(59 )

PIÈCES JUSTIFICATIVES.

N". I.

Beauséjour? ( quartier de Léogane, ) le 12 nivôse an 4 delà ' République françoise, une et indivisible»

Honoré Baudouin, Secrétaire de ? arrondissement de Beauséjour ( 1 ) ,

A u citoyen à Pierre Dieudonné, Président des volontaires gardes nationaux de la Carbonnerie , faisant fonction de Commissaire-civil, etc. etc.

Citoyen Commi s.s ai rÈ,

J’ai reçu de mes parens une éducation assez soignée. Ils ont eu soin dans ma jeunesse de me donner les connoissances —----;----------^— ------

Ce Baudouin ', qui n étoit qu'un émissaire des Anglais., se donnait à ces hommes naturellement confiant pour un patriote pertécuté ; c'ett tous ce manteau que Vimposteur, abusant de leur crédulité, travaillait à la ruine de sa patrie et à l’asservissement de ces infortunés ; il profita de l ignorance de Pierre Dieudonné pour l’entraîner dans le parti des Anglais, et parvint malheureusement à lui faire adopter les propositions du baron de Montalembert. Pierre Dieudonné étoit sur le point de livrer ses frères, lorsque le citoyen Laplume, qui étoit sous ses ordres t le fit arrêter.

( Co)

vSoht l’liômmë a besoin pour se conduire lui-même et être utile à ses semblables. La nature 7 en naissant 7 m’a doué d’un cœur porté au bien, elle y a mis un amour ardent pour tous les hommes en général, et en même temps une aversion implacable contre l’orgueil et l’injustice des méchans , contre la tyrannie , la violence et l’oppression ; j’ai vécu jusqu’ici avec des gens éclairés et instruits ^ j’ai beaucoup étudié le cœur humain , et j’ai eu la douleur de voir ; après une foule de réflexions 7 que l’orgueil ? l’ambition et la cupidité , en étouffant dans la plupart des hommes les sentimens de la nature ? ont amené tous les maux qui nous affligent.

- Je réfléchis chaque jour sur votre position et celle de tous les frères qui sont sous vos ordres ; je suis accablé de l’incertitude où nous sommes du moment où la France viendra rendre justice aux bons, châtier les méchans , et vous aider à chasser l’ennemi du dehors; je crains que des forces angloises ne préviennent ? dans cette colonie , celles que nous attendons de la mère-patrie ; que les escadres ennemies n’empêchent nos frères d’Europe do venir à notre secours , et de nous apporter avec eux les moyens d’attaque et de défense qui nous manquent; et dont nous somm.es •indignement privés par le gouvernement des mulâtres. D’Un côté, la connoissancé que j’ai du caractère remuant et perfide des hommes de couleur, de la haine qu’ils ont pour vous et 1 et vos frères , de l’ambition et de l’orgueil qui les domine ; et de l’autre , la certitude où doivent être les hommes de couleur que les crimes qu’ils ont commis ? et que le sang des blancs et des noirs dont ils ont rougi tant de fois là surface de cette co— Ionie , ne peuvent s’effacer de la mémoire, des uns et des autres , ne me permettent pas de douter que cette classe .d’hommes ne fasse jouer tous les ressorts imaginables pour. tâchér d’anéantir tous ceux qui les connoissent à fond, comme vous ; qui sont en garde contre leurs ruses 7 leurs séductions et leurs perfidies $

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dessillent les yeux de leurs frères, les empêchent d’être victime^ de leur aveuglement et dé leur crédulité ; dépouillent par ce' moyen l’homme de couleur du rempart qui l’entoure , le laisseue

, livré à sa propre foiblesse , et préparent ainsi de loin l’événe-*. ment qui doit rabaisser leur insolence et leîir orgueil.

PÎaprès toutes ces connoissançes, je considère que les homme» de couleur, ayant tout à craindre, tant de. la France que de la part des Africains) ne manqueront pas tôt-ou tard de prendre des arràngemens avec les émigrés et les Anglois pour vou# faire attaquer à la Charbonnière'? tandis qu’ils marcheront eux-■ mêmes 'dans les àrrondisseméns qui vous réconnoissènt pour leur chef , dans l’espérance que la division que vous serez obligé de ^ faire de vos forces pont faire face partout, joinle an manque de munition , voiis fera succomber partout ; et il est difficile que1 .     cela îi’ârrive tôt ou tard , parce que les soldats des mornes se

«    décourageront faute d’être puissamment soutenus 5 parce qu’ils

ne porifront se présenter à l’ennemi faute de munitions ; parce que les chefs ne méritent peut-être pas tonte la confiance possible , et qu’ils seront peut-être les premiers à se laisser séduire 5 parce qu’enfin les chefs et lés soldats qui vous resteront fidèles , , demeurant sans munitions, ne pourront résister nulle part, ne trouveront d’asile que dans* les bois , et seront réduits au rang des esclaves marrons de l’ancien régime.

; En Considérant la marche actuelle des choses, je ne saurois me j persuader que les hommes de couleur né soient d’intelligence avec

( les ennemis de la République pour votre destruction et celle de vos frères , toutes leurs manœuvres l’annoncent ; et si vous ïi’êtes pas attaqué avec vigueur de ce côté-ci , c’est peut - être parce que le moment n’est pas encore venu ; parce que les An-p gloîs ne sont peut-être pas prêts encore • parce que les Africains ; ' qu’ils ont pour soldats répugnent peut-être à marcher contre-leurs frères; ou peut-être encore parce qu’ils craignent que ces

? mêmes: Africains ne s’aperçoivent dé leur perfidie ; et ^

•                      < 62 5 '

, abandonnent. Ils laisseront les Anglais épuiser vos munitions' par diverses attaques , et quand ils verront qu’il ne vous en restera pas du tout, so/ei bien, certain qu’ils marcheront dans les mornes ? et vous ne devez pas compter tout plein sur les ■hommes des mornes , surtout si vous aviez du désavantage. Il est presqu’assuré que plusieurs abandoïineroient votré'paiti.

Si cela est / comme je le présume très-fort, vous devez beaucoup vous délier des motifs de la députation que vous- avez reçue du Port-au-Prince ; les Anglois seront instruits des attaques que vous font les mulâtres, et que vous avez fait passer des forces 7 tant à la rivière Froide que dans cet arrondissement , et auront voulu s’assurer de tout cela par le rapport du député qu’ils vous ont envoyé 7 voir s’il vous res toit beaucoup de monde, et prendre , peut - être, en conséquence leurs mesures pour vous attaquer, au premier jour 7 avec succès.

Si, au contraire, je me suis trompé’, s’iln’y a point d’intel-* ligence entre eux et les hommes de couleur , et qu’ils agissent de bonne foi dans les propositions qu’ils ont pu vous faire , quelles qu’elles soient, permettez-moi de vous dire que , dans cette circonstance il faudroit avoir l’air de ne pas les rejetter entièrement 7 et leur laisser entrevoir l’espérance de quelque accommodement avec vous, pour prévenir et empêcher celui qu’ils pourroient faire avec les mulâtres ; se relâcher même de de quelque chose en leur faveur pour en obtenir des munitions ; car les mulâtres , plus traîtres et plus perfides que les Anglois 7 sont vos ennemis les plus dangereux j^et qu’en ayant de quoi châtier leur insolence 7 et les mettre hors d’état de faire des complots avec les ennemis du dehors , vous grossirez infiniment Votre parti , et il vous sera bien plus aisé de vous défendre de ces derniers.

. Je sais qu’il ne faut pas d’arrangement sincère avec les en-• ne mis dé la République, surtout avec une nation qui n’est.

/ ' i 63 } . . . \

Sentie danscfepayMnTqne pourremettre voti.3 et VOS frereS dans les fers , et s’enrichir de leur sang et de leurs sueurs. Mais je fiais aussi que la politique est une science nécessaire aux hommes eu place , et que cet art peut seul lès tirer d’embarras dans les circonstances les plus critiques. C’est elle souvent qui décide du sort des peuples, et fait plus que les plus fortes armées. La France , malgré sa puissance et sa force , a agi dans Cette révolution par les ressorts de la plus fine politique contre les ennemi» extérieurs 7..et'si les commissaires Sonthonax et Polverel n’a-voient pas usé de politique et d’adresse en arrivant dans cette colonie 7 ils auroient été embarqués de suite.

' La politique, citoyen commissaire , consiste à tromper adroit teinent son ennemi par des promesses , par des apparence» spécieuses, à le faire tomber adroitement dans le piège qu’on lui tend, eii ayant Pair d’agir avec la bonne foi la plus apparente , et à en tirer par ce moyen ce qui manque pour lui fait® là guerre à lui-même et aux autres.

Je suis persuadé que les Anglois et les émigrés françois, ai souvent trompés par les hommes de couleur, Sauront jamais que très-peu de confiance en eux, et qu’ils en auroient ? au contraire , infiniment plus en vous, qui ne les avez jamais trompés ? qui n’avez jamais montré qu’une marche uniforme et une fermeté soutenue , ne pouviez-vous pas , en usant de beaucoup d’adresse , leur laisser entrevoir que vous n’êtes pas éloigné de prendre des arrangemens avec eux ; prendre leurs députés en particulier, et leur dire de bouche5/ avec l’apparence delà meilleure foi possible, combien vous détestez les hommes de couleur ? et combien vous désireriez pouvoir tirer vengeance dô ceux de Léogane et de Jacmel j les charger de dire à leur général que vous ne seriez pas éloigné de le seconder dans l’attaque dé Léogane ; que vous fermeriez avec votre armée la communica-^ de cette ville avec Jacmel et les Cayes 7 et intercepteriez le»

Recours qui lui seraient envoyés, pourvtt que tous les mulâtres fussent embarqués , et $u7on vous fournît les munitions néces-sair.es pour -cette expédition j que vous vous rengageriez mênie de payereu .denrées ; que vous leur abandonneriez11 possessions de la plainejusqu’àla paix qui surviendrait ; leur recommander ïe plus grand secret ? et demander une réponse. Si vous aviez 1® bonheur de les faire.tomber dans le, panneau, et d’obtenir ce que vous annez demande , vous ne feriez alors que ce qu’exige l’intérêt de. la République ? ce que vous prescrit lé .devoir d’un1 irai républicain ? votre amour pour vos frères , et la confiance' qu’ils ont en vous. Encore Une fois, il n’y a pas de honte à abuser de la crédulité de son ennemi : il est glorieux^ au contraire , ¿e le combattte avec les armes qu’il nous fournit lui-même.

Pardon , citoyen Commissaire, des réflexions et des idées que je me suis permis de vous communiquer dans çette lettre.» je n’ai d’autre but que de vous témoigner mon attachement pour vous et vos frères , qui sont devenus les miens , et le vif intérêt. que j’aurois de les voir jouir tranquillement des bienfaits delà régénération françoise. .

Signé B a u d o u i n*

N’. IL

LETTRE de fordonnateur général Perroud au général.

Rigaud, datée à Santo-Domingo le zi floréal an 4 de la République.

C’est avec une satisfaction bien douce , citoyen général ? que je vous annonce la fin des dissentions qui déchiraient la partie du Nord , et qui alloient enlever aux chefs vertueux.? à qui la France doit la conservation de cette portion précieuse de iHe, tout le fruit de leurs glorieux et infatigables travaux. .

Des hommes profondément pervers 5 ceux qui jusqu’à présent ont dirigé les poisons de l’infernale faction léopardine, étoient parvenus

r

(■65) parvenus à armer les-patriotes contre les patriotes.., et leur sang alloitpeut-être encore rougir cette terre, quand.l’agent de la République , le citoyen Roume , conduit par le génie bienfaisant , qui veille sur les destinées de la France , est venu mettre fin à nos calamités.

Réuni ici à vos députés, à ceux du général Beauvais et du généralVillatte , le citoyen agent de la République , qui s’est convaincu, à Paris , du complot affreux qui s’y tramoit contre la prospérité de Saint-Domingue, nous a fait connoître la source de nos maux , et la cause de nos divisions. Cette source et cette cause se trouvent dans les machinations criminelles de ces misérables colons ,. qui, dans la lutte à laquelle ils osèrent provoquer les immortels proclamateurs des droits de l’homme, aux Antilles françoises, n’avoient d’autre but que de tuer la liberté et l’égalité à Saint-Domingue.

Frappés de cette vérité , heureux de ne rencontrer parmi nous aucuns coupables , nous nous sommes tous simultanément précipités dans les bras des uns des autres , et avons juré entre les mains de l’agent de la République , l’oubli des torts qui ont dû nécessairement résulter de l’erreur fatale dans laquelle nous, étions plongés.                           -

Votre républicanisme bien connu, prouvé par tant de travaux , et un dévouement si constant à la cause de la République , m’est garant que vous approuverez les mesures conciliatoires , auxquelles ont si. puissamment coopéré vos députes.

Salut et fraternité. . Signé P,e ^ r o u d.

N*. III.

Vordre' de déportation contre Rey.

A u nom de la République Françoise.

Commission nationale civile. W' Nous Etienne Polverel etLéger«Félicité Sonthonax, commis-

\       . E

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«aires nationaux civils , délégués aux îles françoises de l’Amérique, sous lèvent, pour y rétablir l’ordre et'la tranquillité

publique.

Ordonnons que Rey , faisant fonctions d’adjudant de l’armée du Sud ? sera arrêté et conduit, sous bonne garde, dans les prisons des Cayes Saint-Louis, où il sera détenu jusqu’à son embarquement pour France.

Chargeons le commandant de la province du Sud, de l’exécution du présent ordre.

. Fait au Cap , le i5 juillet 1753 , l’an deuxième de la République françoise.

Signé Poiverel et Sont ho n a x.

Par les commissaires civils , signé Poitevin; secrétaire.

N°. ï V.

Lettre confidentielle du général Rigaud , au citoyen* Raymond} Commissaire du Gouvernement français, datée de Léogane le 28 prairial an 4 de la République,

Mon cher frère et pays,

• Il ^Tut aujourd'hui que j’épanche dans votre cœur les douleurs et les chagrins dont le mien est dévoré • vous, êtes mon frère , mon ami , mon chef aujourd’hui,; il faut que je vous dise ce que je u’oseroïs dire à la commission dont vous êtes membre , il faut que vous sachiez la vérité ; il faut qne vous sauviez votre pays , en faisant connaître à vos collègues qu’il ne suffit pas d'avoir de bonnes intentions pour faire le bien , mais bien prendre les mesures convenables pour cet effet.

^e VW a* ^jà ^ ^eïtï niots dé Villatte, je ne dirai plus rien à^ph égard 3 la commission sera parfaitement instruite de tout ce qui s’est ¡passé dans le h'oid ; éi l’on n’est pas souvent

aussi coupable que Pou paroît l’être d’abord ; je me repose suc sa justice et son humanité.

Je souhaite la tranquillité et la prospérité delà partie du Nord et de celle de l’Ouest de la colonie j je me bornerai à celle du Sud; confiée à mon commandement, que je ne garderai que tout le temps que je croirai y faire le bien ? que je quitterai dès le moment qu’il me faudroit coopérer avec d’autres autorités à y opérer le mal.

Je viens d’apprendre que le citoyen Pascal, secrétaire général de la commission , et Leborgne sont vos délégués dans le département du Sud ; rien au monde ne me fait plus de plaisir ; la réputation dont jouissent ces deux républicains est un garant sûr de leur civisme et du bien qu’ils chercheront à opérer ; mais , qu’ai-je entendu dire ? que Rey est le troisième délégué .... Non, cela ne peut se croire ; et où la commission au voit—elle donc été chercher Rey pour le nommer son délégué ? Elle ne connoît pas ce Rey ; elle a été trompée ; elle porte lé coup de la mort au département du Sud. Rey (son caractère de votre délégué à part) est un scélérat , un ennemi de la liberté et de l’égalité , un des principaux auteurs de l’assassinat commis «ur moi et sur tous mes camarades le 14 juillet 1793* Rey , agent des aristocrates envoyés près des Angloiapour leur livrer la partie du Sud5 Rey enfin j mon antagoniste, et le plus cruel de mes ennemis.....

Rey n’a intrigué et n’a eu une place éminente que pour taire le mal ; s’il reste aux Çayes, quelques mauvais citoyens ) ses amis* et ses partisans, les jnalveillans enfin, qui avoient perdu l’espoir de perdre le pays , yont voir renaître leurs espérances 5 mais je pense que les citoyens .leborgne e$ Pascal pareront ce coup funeste.....

E

/

( 68 )

Le citoyen Idlinger m’écrit qu’il vient, ordonnateur pour cette partie ? et le citoyen Lamontagne contrôleur ; je souhaite que ces administrateurs fassent le bien j mais je ne puis voir sans peine Gavanon , Duval et Bonard, qui ont bien mérité de la République ^ déplacés de cette manière ; je suis persuadé qu’ils seront charmés d’être débarrassés d’un fardeau aussi pesant ; ils ont eu toute la peine dans des temps bien critiques, maintenant les autres vont faire merveille , le pain est mâché. •.

Je desire d’être remplacé également dans l’espoir que tout ira mieux j cependant j’ai fait tout ce qu'il étoit en mon pouvoir de faire : mes concitoyens en rendront compte. .

On a tout fait pour diviser les noirs d’avec les hommes de Couleur, afin de détruire les derniers ; nous étions prévenus dans cette partie. Votre collègue Roume a bonne connoissance de cet infâme projet; j’ai prévenu plusieurs fois mon camarade Vil— latte, pour qu’il fît tous, ses efforts pour se réunir aux généraux Lavaux et Toussaint-Louverture, pour déjouer les mal-Vêillans j mais son caractère hautain l’a empêché de plier, ce gui cependant étoit. très-nécessaire pour se mettre à l’abri de toute inculpation fausse ou vraie. Ce-que je craignois est arrivé dans le département du Nord.....Les ennemis de la liberté et de l’égalité ne pourront jamais pardonner aux hommes de couleur d’avoir prétendu à l’égalité politique, et d’avoir soutenu la liberté des Africains 5 ils se sont aperçus qu’ils étoient trop foibles pour se venger eux-mêmes ; ils trompent lés noirs ignorans pour les faire agir contre leurs propres intérêts ; ils croient avoir tout fait en disant : Les mulâtres veulent détruire les blancs pour rendre les nègres esclaves ; eh bien, je change la.phrase ; ce sont les mauvais blancs de Saint-Domingue qui

( 6g ) foudroient détruire les tommes de couleur pour asservis le# noirs.

On a facilité dans la province du Nord la rentrée à un grand nombre de scélérats, ce qui a bouleversé cette partie ; le département du Sud s’est maintenu par ma surveillance et mon activité y aujourd’hui je ne réponds de rien , et pour peu que je voie mal aller les chosses ? je me retirerai dans un pays où je vivrai inconnu, parce que si je reste ici , je ne serai jamais ignoré , les médians diront que j’ai fait le mal par dessous-main ; les ignorans appnyeront cette calomnie, je serai vie-, time avec un cœur pur et une conduite sans reproche.

De grâce ? mon cher compatriote , empêche/le mal si vous le pouvez , je ne vivrai ni ne commanderai jamais où Rey sera délégué ; si sa nomination est irrévocable , procurez-moi ma retraite 5 je ne voudrois pas être destitué, je ne ferai jamais rien pour le mériter ? parce que celui qui a le malheur de l’être , est flétri dans l’opinion publique ; jaloux de ma réputation , préférant mon honneur à ma vie ; je deviendrois le plus malheureux des hommes si j’essuyois un pareil désagrément, encore sans l’avoir mérité«

J’écris à la commission, mon bon ami, je lui envoie quelques renseiguemens sur la force armée et l’administration du Sud j je desire que les idées que j’ai mises sur le papier, après mure réflexion ; puissent vous être de quelqu’utilité , je me ferai un plaisir , un devoir même , de vous satisfaire sur tout ce' que Vous me demanderez j comptez sur celui de vos frères qui vous admire et vous aime le plus , qui est attaché à la République, à la cause de l’humanité j et qui se fera toujours une gloire de dire la vérité ? telle chose qui puisse arriver.

Salut, amitié et fraternité. Signé A. R i G A u b.

« P. tî. Des scélérats ont osé calomnier Pinchinat,' et Sala; un

( 7° )

¿e mes aides-de-camp ; il seroit à souhaiter que tous les hômmeS fussent comme ces deux républicains ; croyez; un ami de la Vérité , Pinchinat et Sala sont incapables de donner de mauvais conseils , ce sont des amis de la tranquillité et des apôtres de la liberté et. de l’égalité , et ils ne cessent de prêcher les vertus républicaines; c’est bien ce qui leur fait des ennemis 7 car tout le monde n’a pas le bonheur d’être vertueux comme le sont ces deux hommes.

Nû. V.

Cayes , le .19 messidor an 4 de la République.

£ JE T T'RE confidentielle du général Rigaud, au citoyen. Julien Raymond , commissaire du Gouvernement fran— fois*               '        '

J’ai reçu, citoyen commissaire 7 votre lettre du 19 de ce mois . je suis sensible au souhait que vous me faites d’une bonne santé. Je i/aurois rien à désirer à cet égard , si le bonheur de ma vie n’étoit pas attaché au sort de tous mes concitoyens , de tous mes frères, à la prospérité de la République , au triomphe -de la, liberté et de l’égalité : mais les préventions défavorables que le Gouvernement paroit avoir contre les meilleurs citoyens ? les démarches sourdes de ceux qui entourent les autorités 7 l’in— subordination et l’abandon du travail qui en seront les funestes suites, tout me fait présager un avenir sinistre à la colonie de Saint-Domingue , et particulièrement au département du Sud 7 ce qui me cause de ■ noirs chagrins et altère de jour en jour ma santé.

Les délégués dé la commission bnt été ,• la décade dernière > faire une tournée en'plaine , ils ont été jusqu’au cainp Périn , où des troupes sont cantoniiécs pour s’opposer âùt incursions que les Jérémiens, pourroiènt faire éur le territoire républicain. Les

(7*)

officiers composant la suite des délégués, sé sont plu. ; partout où ils ont passé, à faire envisager aux cultivateurs que la condition dont ils jouissoient n’étoit pas celle d’hommes libres. Arrivés au camp Périn , un nommé, finaud , l’un des aides-décamp de la délégation demanda , au commandant du camp * l’élargissement de trois militaires qui étoient détenus pour avoir manqué à la subordination et à la discipline. Ce dernier ne lui refusa pas l’objet de sa demande, attendu que les délinquans étoient déjà assez, punis : il les lit donc mettre en liberté. Alors Arnaud chercha à capter l’esprit des soldats ? en leur disant qu’on les vexoit ; qu’ils étoient libres ? qu’en conséquence ils ne dévoient pas être traités aussi indignement, et que cela clian— geroit. Il réussit à causer une fermentation si grande , que les soldats finirent par emprisonner leur chef, en lui disant : que ce citoyen venoit de les assurer qu’il n’existoit ni cachot, ni prison chez les républicains 7 et que c’étoit vouloir l’esclavage » que de punir et maltraiter les hommes de cette manière. -

L’insubordination étoit poussée au point que ?sans mon, arrivée imprévue ,’la scène auroit fini peut-être d’une manière tragique. Je venois communiquer aux délégués des nouvelles que. j’avois reçues de Léogane ? je trouvai tout Je camp dans le plus grand désordre. Ayant demandé le sujet d’une telle rumeur , un officier m’apprit qu’Arnaud en étoit la cause ? et que le commandant venoit d’être enfermé par ses suggestions perfides. Je pris les mesures convenables pour réprimer le désordre ? et rappeler chacun à son poste et à ses devoirs ? ensuite je fis vivement sentir à cet intrigant toute l’inconséquence de son procédé , et lui demandai s’il étoit plus ami de la liberté dès noirs , que ceux qui en étoient les défenseurs , lui qui naguères étoit à Jérémie parmi les. ennemis de la. République , fustigeant et brûlant ces mêmes noirs que maintenant il vouloit séduire. Il finit par me demander excuse, et moi par me plaindra amèrement de sa

conduite aux délégués» Après avoir rendu le calme et Tordre au . camp ; je me retirai.

En passant sur les habitations Laborde, les délégués firent démolir une prison qui servoit à punir les cultivateurs qui quit-toient le travail pour pratiquer le brigandage. Je ne prétends pas trouver mauvais que les délégués de la commission aient supprimé ce lieu de correction , mais la manière dont ils l’ont fait a causé de mauvais effets , en faisant connoître aux cultivateurs qu’il n’y avoit plus aucun frein pour ceux à qui il plai-soit de se livrer à là paresse $ ceux qui entourent la délégation ont dit aux Africains , que les mulâtres étoient leurs oppresseurs ; qu’eux venoient les faire jouir de la liberté de travailler a leur gré ; que désormais les nègres ne dévoient plus rien faire que pour eux-mêmes et pour les blancs,

Les inspecteurs des cultures , qui sont des honmmes bien intentionnés j les plus sages et les plus instruits qu’il y ait parmi les noirs, sont venus me manifester les craintes qu’ils avoientque cette récolte , qui promettoit les plus grands revenus , ne produisît rien , ou du moins peu de chose , d’après les impressions désagréables qu’on cherche à inspirer aux cultivateurs j et qui, malheureusement, commençoient à leur faire perdre l’amour du travail qu’ils avoient contracté.

On n’a épargné aucuns moyens pour gagner egalement les noirs qui sont dans le militaire j on leur a fait des propositions d’avancement, on leur a fait envisager les hommes de couleur comme leurs ennemis , et tout annonce qu’on veut les porter à un soulèvement général contre leurs chefs.

Jenesais .ee que se promettent les hommes qui manœuvrent de cette sorte , mais je ne trouve pas de meilleu'r moyen pour faciliter aux ennemis Ten trée de ce département, que de susciter des divisions entre les citoyens qui en sont les défenseurs.

Trouvez-vous } mon cher frère, que le moyen de faire fleurir

03 5

i la culture soit celui qu’on emploie ? Croyez-vous qu’il soit nécessaire , pour attacher au travail, d’insurger ceux qu’on y trouve déjà appliqués ? Je pense , au contraire, que trouvant tout sur un Bon. pied ; on pouvoit faire les réformes qu’on auroit ; '      trouvées nécessaires, sans occasionner aucun désordre , sans

|      répandre de la défaveur' sur personne ; en un mot > sans chercher

à insurrectionner le pays.

Les délégués ont envoyé dans les divers quartiers du département ,. des commissaires pour examiner les prisons, recevoir les dépositions des détenus, et reconnoitre les motifs de leur arrestation : ces commissaires, en passant à S. Louis , où étoient emprisonné les plus grands ennemis du bien public, ont fait mettre en liberté des hommes dont l’influence peut devenir dangereuse. D’après la demande de la commission, je lui ai fait passer un état des détenus qui contient l’exposé des faits qui leur sont imputés; je croyois qu’on n’auroit rien statué à leur égard , que d’après la comparaison qu’on auroit faite des ren-seignemens que j’ai donnés ? avec les dépositions que les commissaires des délégués étoient chargés d.e recueillir. Certes ? les moyens de remettre la colonie dans l’état où elle étoit plongée avant que des mesures vigoureuses n’eussent ôté à ses ennemis la liberté de consommer sa ruine , seroit de mettre ces mêmes ennemis à même de manœuvrer à leur gré.

Par quel renversement de principes se fait-il qu’én même temps qu’on favorise les malveillans d’une part 7 on persécute , d’un autre côté, des hommes qui n’ont jamais cessé de donner des preuves du plus pur patriotisme ?

; Pinchinat est, quoi qu’on en dise, du nombre de ces derniers , et il y a un arrêté de la commission, en datte du 27 prairial ? qui le mande au Cap comme le moteur des troubles du 5o ventôse , comme ayant cherché à séparer cette colonie de la métropple, et à former une assemblée coloniale. Les délégués

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m’ont envoyé cet arrêté ce matin 7 pour le faire exécuter j Pin-* chinât, sans doute , prévenu de son arrestation, a pris la fuite , car je ne l’ai pas vu d’aujourd’hui.

. Peut-on regarder comme ennemi de la France un homme qui a constamment professé des principes dignes d’éloges, un homme qui , sans ambition, s’est rendu utile à ses frères , et a propagé les principes des commissaires civils? Peut-on comparer cet homme aux Bruley, aux Page , etc. comme on le fait en lui prêtant l’intention de former une assemblée coloniale 7 lui qui a été de tout temps l’ennemi déclaré du système de ces colons , lui qui a toujours manifesté des opinions contraires aux leurs?

Il n’est pas étonnant que Pinchinat ait été au Cap , où il ne fait pas sa demeure, puisque d’après l’invitation faite à Beauvais et à moi par le général Lavaux, nous l’avions envoyé au Cap avec les citoyens Sala et Fontaine pour s’embarquer sur la corvette la Vénus ? afin d’aller faire nos remerciemens à la Convention nationale.

J’ai beau chercher : il m’est impossible de pénétrer les motifs de la conduite étrange qu’on tient vis-à-vis des amis de la République et vis-à-vis de ses ennemis. Vous conviendrez avec moi 7 que la proscription lancée contre un homme aussi respectable 7 et aussi estimable que l’est Pinchinat, présage un triste sort à ceux qui , comme lui, ont fait le bien quand ils l’ont pu , sans chercher à faire le mal 7 pas même à leurs ennemis.

La ^citoyenne Françoise Raymond , et le citoyen Boisrond se rendent auprès de vous : je les ai priés de vous remettre la présente 7 et de vous faire de vive voix le tableau de ce qui se passe ici ? afin que 7 s’il vous est possible d’empêcher le mal qui se prépare 7 vous employiez à cet effet toute votre influencé.

Je vous ai déjà écrit dans le genre de cette lettrec-i : je n’ai

Encore reçu aucune réponse cathégorique* Je pense que vous ne voulez pas vous compromettre en vous expliquant, mais que vous gémissez comme moi : sans cette idée, votre silence seroit un coup de foudre pour moi. Mais enfin,vous pourriez, par une occasion sûre, me faire connoître vos sentimens , et par-là éclairer mes pas sur l’abîme où me plonge tout ce que j’entrevois.

Signé A* R i g a u d.

N’. Y I.

EXTRAIT de la lettre du commisaire Roume t aux généraux , Lavaux , Toussaint - Louverture , Villatte , Pierre Michel et Pierre Léveillé } datée de Santo-Domingo , le 22 floréal an ^

J’ai vu Lavaux et Perroud, eux-mêmes trompés par les înêmes scélérats, accuser dans leurs écrits publics , non-seulement les citoyens de couleur du Cap, mais tous ceux de la colonie entière, d’un projet atroce contre l’espèce totale des blancs 5 projet , qui n’entra jamais dans le cœur de çes hommes régénérés; projet si absurde qu’il se détruit par sa simple enonciation, projet dont le seul soupçon injurie , mto-seulement ceux qui en sont accusés, mais encore la nation françoise en masse ; car la nation ne permet pas de croire que ses défenseurs infatigables, que des gens honorés de son estime , que des héros nécessaires à la conservation de son territoire ? puissent vouloir se souiller d’un crime dont la seule idée fait horreur..

......Tout ce qui s’est passé m’étoit connu depuis quinze à dix-huit mois. Un blanc du Cap , bavard de son naturel, me découvrit ce nouveau complot ? un matin dans ma chambre à Paris. Non-seulement il m’annonça ce que vous venez de voir,

mais il me raconta toute la suite d’un complot dont vous ne cou«1 noissez encore que le premier acte. Cette exécrable tragédie, digne en tout point de leur ame infernale , consiste en trois actes que je vais dévoiler en vous répétant la conversation'd’un colon.

Je sors ( c’est le colon qui parle ) de cht[ les commissaires Page et Bruley, où se sont trouvés beaucoup de patriotes de Saint-Domingue, et la Convention nationale aura beau vouloir légalité des mulâtres et la liberté des noirs , elle finira par avoir le dessous par les mesures qu’on vient de prendre.

Nous commencerons par brouiller les mulâtres avec les nègres, en coalisant ceux-ci avec les blancs. Ce moyen procurera, la destruction totale de ces figures à rhubarbe.

Ensuite nous brouillerons les nègres créoles avec les nègres de Guinée j en coalisant ceux-ci avec les blancs -, ce second moyen nous délivrera de tous ces docteurs maroquins.

• Enfin r la France ennuyée de tous les crimes qui se seront commis, ne pourra plus regarder les nègres que comme des bêtes féroces } indignes de la liberté : elle rétablira l'esclavage ; nous nous déferons de tous ceux qui auront de l'énergie ; nous en ferons venir d’Afrique, et lions les tiendront sans cesse sous le fouet et les chaînes.

N°. VII.

Aux Cayes , le 17 messidor an 4 de la République.

Lettre du général Rigaud, aux délégués de la commission du Gouvernement françois, dans le département du Sud.

J’a 1 lu avec attention , citoyens délégués, votre proclamation

¿ü ,i 3 courant ; j’y Vois que des mal-intentionnés vous ont peint la masse des citoyens du département du Sud 7 et surtout ceux de la ville des Cayes, bien différemment qu’ils ne sont. Les mêmes instigateurs qui, avant votre arrivée, faisoient courir les bruits allarmans que vout veniez destituer tous les fonctionnaires civils et militaires ? pour les remplacer par des gens connus pour ennemis de la République ? ont osé répandre 7 après votre arrivée ; que les républicains en fonction craignaient cette mesure injuste. Us n’ont d’autre but que d’occasionner un mouvement insurrectionnel ? afin de justifier leurs manœuvres perfides. Je vous déclare, au nom de tous les vrais républicains du département, que nous ne craignons aucune injustice , parce que nous sommes persuadés que vous n’êtes pas venus ici pour en exercer. Forts de notre conduite passée, et de notre soumission aux lois de notre patrie ? nous espérons 7 au contraire , tout des délégués du Gouvernement françois ; je suis seulement affligé que des factieux et des traîtres aient provoqué une proclamation quj pourra faire croire au loin qu’il y a eu des mouvemens dans cette partie , ce que je tiens pour contraire. Les craintes et les méfiances se trouvent toujours chez le peuple peu instruit et crédule : malheureusement celui de Saint-Domingue est encore dans ce cas.. Les sciences et la philosophie ne l’ont point encore tiré de l’ignorance où il fut de tout temps plongé. Vous nous apportez le flambeau delà raison et de la justice ; vous êtes dans cette partie l’organe de la nation Françoise ; vous nous trouverez unis , et par conséquent forts ; nous n’avons plus besoin que de connoîtae parfaitement les lois de la République Françoise 7 auxquelles nous nous soumettons entièrement, et de marcher contre les Angloispour les expulser de Saint-Domingue , afin de faire régner ? dans tontes les parties de cette colonie, la liberté et l’égalité.                      •

*                 : J

FermeUei-moi une .observation, sut quelques réflexions que

J’ai eu occasion de faire : c’est une question, citoyens commis» saires ; je vous prie de la résoudre.

Polverel et Sonthonax ont triomphé de leurs ennemis y la plus grande preuve est que Sonthonax est revenu investi des plus grands pouvoirs. Polverel seroit également revenu s’il eut vécu« (gloire soit rendue à sa mémoire). Polverel et Sonthonax ont pro-* page , soutenu et plaidé la cause de l’humanité , de la liberté et de l’égalité ; leur conduite a été approuvée , ainsi que leurs actes : par quelle fatalité, citoyens délégués , leurs plus cruels ennemis , ceux qui ont voulu les assassiner, les embarquer y ceux qui ne vouloient point de liberté pour les Africains, ni d’égalité pour les hommes de couleur ; ceux qui ont appelé les Anglois, ceux enfin qui , peu de temps avant votre arrivée , auroient facilité , s’ils l’avoient pu , l’invasion du pays que les vrais amis de la France et de ses lois lui ont conservé ; par quelle fatalité , dis-je 7 sont-ce ces mêmes hommes qui entourent votre demeure ? qui se sont introduits auprès de vous pour calomnier les républicains, qui font éclater une joie qui est suspecte y qui , se donnant pour les amis de l’ordre , trament sourdement pour mettre le désordre , comme ils l’ont fait autrefois ? Ces hypocrites affectent de menacer les républicains , ils semblent avoir remporté une victoire , et paroissent persuadés que leurs principes vont être mis en pratique» Quelles peuvent être leurs espérances ? Vous ne pouvez être abusés, du moins pour long-tems , car les ennemis de Polverel et Sonthonax , les partisans de Page, Bruley, Thomas Millet, Verneuil, etc. ne peuvent être les vrais amis ni les partisans de ce même Sonthonax, ni de Roume , ni de Raymond , ni de Leborgne , etc. Je les connois parfaitement y ils changent d’opinion , de conduite suivant les circonstances, comme le caméléon change de couleur. Vous les verrez un jour , citoyens délégués , tourner leurs traits envenimés, diriger leurs poignards contre vous-mêmes, quand Üs se seront fait mieux.

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corfnoître , et que vous les regarderez pour ce qu’ils sont; Heureux si d’ici à ce temps il n’a^rive aucun événement malheureux, produit par leur scélératesse. Cés hommes , toujours hardis eÉ entreprenait, se présentent les premiers , sollicitent des places, quelquefois les obtiennent, et s’en servent pour venir à leurs fins. , pour assouvir leurs vengeances • tandis que les honnêtes gens , les républicains pour mieux dire , attendent que les autorités les appellent, n’ambitionnent, ne demandent qu’à être tien connus, heureux d’avoir pu être utiles à leur patrie , d’avoir pu suivre le chemin de l’honneur et du patriotisme , ils ne considèrent cette foule d’ambitieux empressés , que comme des in— trigans et des scélérats qui ne tarderont pas d’être démasqués , tels que le furent en France les contre-révolutionnaires.

Pour moi 7 citoyens commissaires , je périrai à mon poste, soit contre les ennemis extérieurs , soit contre ceux de l’intérieur, si ceux-ci persistant dans leurs manœuvres perfides et liberti-cides 7 parvenoient à troubler la tranquillité publique , ma religion est connue., ma profession de foi est faite, je serai toujours fidèle à. la République françoise et aux autorités par elle constituées. Je n’aurai jamais d'autre ambition que celle de servir ma patrie , et de coopérer au bonheur de mes concitoyens ; tels furent les mobiles de ma conduite , tel vous me trouverez toujours dans tontes les actions de ma vie publique et privée. Ma correspondance, tous les actes émanés de moi jusqu’à ce jour vous convaincront de la sincérité de mes sentimens , jamais je ne fus ému.par aucun motif particulier et personnel. Depuis le départ des commissaires civils Polverel et Sonthonax, quoique revêtu d’une commission de gouverneur général par intérim de ce département , j’ai cherché à ouvrir une communication avec le général Travaux , pour avoir un régulateur de ma conduite , pour lui demander des ordres et des instructions , je n’ai cessé , depuis ; d’entretenir une correspondance suivie avec ce chef ?

(8o)

àussi fréquemment que les circonstances l’ont permis , je lui ai régulièrement fait le rapport de la situation et de tous les mou-yemens de ce département ; je lui ai envoyé des états de la force armée, et n’ai cessé de réclamer ses ordres, ses décisions et son approbation sur tous les actes émanés de moi, et j’ai eu la douce satisfaction de voir que le général Lavaux n’en a im-' prouvé aucun ; m’a comblé d’éloges , et m’a prescrit de continuer à agir comme je l’entendrois ? pour le plus grand bien de la chose publique.

Signé A. Rigàud.

N°. V I I I.

Cayes le 4ème. jour complémentaire de l’an 4 de la Répub,

Extrait de la lettre des officiers} sous-officiers et volons taire s du 8 Sème régiment d’infanterie française, ( ci-devànt Berwick) au général Rigaud.

A l’arrivée des délégués tout change de face en ce département. Les factieux , les ennemis de la liberté et de l'égalité relèvent la tête j ils s’agitent en tout sens , obsèdent la délégation. Elle prête une oreille trop facile aux discours empoisonnés de lu calomnie , accueille les fausses délations sans examen 5 médite dès ce moment l’arrestation des citoyens qui ont fait le bien, qui se sont montrés ardens à soutenir la liberté et l’égalité , qui ont enfin déployé, en faveur de l’humanité, toute l’énergie de leur caractère.

Dès ce moment, le sort des troupes change aussi. La prodigalité , les dilapidations succèdent à une sage économie ? à un véritable et juste emploi des fonds publics. Notre ration de pain est diminuée et devient insuffisante pour nous alimenter. Plus de fournitures d’habillemensj plus de demi-paye; tous lès fonds

se.

se consomment sous nos yeux en objets de luxe. Une table splendide est entretenue chez les délégués aux dépens de la nourriture du soldat. Les payemens des anciennes fournitures sont suspendus 7 les travaux importuns des fortifications sont arrêtés par ordre de la délégation 5 on protège quelques arméniens , mais on reçoit des actions des armateurs. On inquiète la navigation des neutres pour nous rejetter dans le premier état de misère ; et pour retirer du fruit des actions ? on juge tout de bonne prise ? etc. etc.

C’est en vain que l’odieuse calomnie voudrait accréditer le bruit qu’elle fait courir, que les citoyens blancs n’occupent au-. cunes places dans ce département. Les faits démentent ouvertement cette assertion. C’est ce qui sera prouvé par tous les citoyens blancs dé cette commune j mais nous nous bornerons ici à ce qui regarde notre corps. Nous n’avons pas l’avantage de posséder parmi nous beaucoup de nos frères des autres couleurs ; tous nos officiers sont blancs, notre chef de bataillon est commandant militaire depuis le ii mars 1794 , etc. etc.

Suivent un grand nombre de signatures.

B 4-L t E T D E S ACTIONS.

CA Y E s Saint-Louis, île Saint-Domingue > le x fructidor ? Lan 4 de la République française.

Bon pour dou^e actions et demie 7 à raison de sei^e cent cinquante livres chaque ? que nous reconnoissons avoir cédé ce jour au citoyen Leborgne t sur lé corsaire ^. Sonthonax ? capitaine Rolland, ledit armement s’élevant à là somme de cent Soixante-cinq mille livres est divisé en cent actions , dont nous sommes propji^&ires de soixante - neuf actions , comme par

( SO

l’acte passé le jour d’hier pardevant Deletang , notaire , recon-naissant avoir reçu le montant desdites dou^e actions et demie en actif y dont quittance.

Signé Nathan frères et compagnie«

Bon pour lo^if*

•     N’. X.

Aux Cayes , le premier thermidor an 4 de la Répub.

EXTRAIT de la lettre du général Rigaud, aux délégués de la commission du Gouvernement français aux Cayes.

C b paquet contenoit en outre votre lettre sur le rapport qui Vous a été fait par lés émissaires employés à Jérémie. Après avoir lu ce rapport , je vois qu’il n’est rien moins que la force supérieure qui soumettra le quartier de Jérémie et dépendances aux lois de la République françoisé«

Ce Pochet dont il est question est un habitant des Baradaires t le plus grand scélérat * qu’il y ait jamais eu , ayant déjà , avec Nicole Dupérier et autres , promis de se soumettre aux ordres des commissaires Polverel et Sonthonax, et qui ont eu la perfidie de tendre des'pièges à l’armée que je commandois dans le temps envoyée à Jérémie. Je vous préviens qu’il n’y a point à compter . sur Pochet : en allant à Jérémie , il faut y aller en force, ou ne pas y songer.

Signé A. Rigaud.

N’. X I.             . .

Bon pour la somme de deux cetits portugaises, que nous payerons à P ordre de la délégation. Aux Cayes, le 13 fructidor an 4 de la République»

\ J^ Denton et Hall.

.                     Bon pour 13,300 livres.

N”. X I L

Lettre de change;

. Ech an ge pour yo louis en numéraire et non autrement.

. A vue , il vous plaira payer par cette seconde d’échange , lai première et la troisième ne Pétant, à l’ordre de la citoyenne Clotilde Hainhault, la somme ^.c cinquante louis d'or de vingt-quatre livres tournois chaque, en numéraire et non autrement, valeur reçue en pareille somme du citoyen Leborgne y que vous passerez suivant l’avis de vos amis.

' Signé Nathan frères et compagnie,

Au citoyen Défrayer , rue Saint-Martin , près le café du commerce -, a P A s. r s.

N°. XIII.

EXTRAIT du mémoire du chef de bataillon Déhard} sur l'expédition contre le camp Raymond.

ay on battit la générale au camp Perrin; je reçus ordre de m’y rendre avec ma troupe. Én arrivant , pn nous fit former un bataillon quarr.é 5 le général Desfourneanx se rendit àu centre, et après avoir recommandé le silence ?. il nous donna lecture d’une lettre de la délégation , par laquelle elle le félicitoit des peines qu’il s’étoit données pour s’emparer du camp des.ennémis; que malheureusement la fortune l’avoit mal servi, mais qu’il n’avoit pas été vaincu ; que sa retraite honorable valoit bien une victoire; qu’elle étoit la preuve de son courage et de son atta-. çhement à la liberté et à l’égalité ; que l’avancement qu’il de— mandoit pour ceux qui s’étoient distingués dans cette expédition étoit juste , et qu’elle s’empresseroit à Te demander à la commission du Gouvernement François au Cap.

- Lecture faite de cette lettre ; le général Desfourneaux fit-les

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plus grands éloges an. bataillon du 8 Sème régiment et à la garde nationale ; mais quel fut mon étonnement , lorsque j’entendis accabler d’injures les troupes coloniales , les traiter de scélérats 7 de brigands et d’assassins ; les accuser indignement d’avoir dé-®armé la garde nationale, après l’avoir assassinée , leur reprocher même qu’ils étoient bien aises de sa non-réussite, et qu’elle n’étoit que l’effet de leur lâcheté. Cessez , général Desfourneaux , cessez de donner le change sur la cause de cette malheureuse défaite j il ne faut qu’être instruit du vice de votre plan d’attaque , et de là foiblesse de v,otre tactique, pour attribuer la déroute à votre impéritie ; heureux pour vous encore, si cette mauvaise combinaison , qui vous à porté à envoyer les compagnies l’une après l’autre à l’assaut, n’est pas regardée par des yeux plus claïrrvoyans comme une machination perfide y dont' 5 le but êtoit de sacrifier ces compagnies.

Mais ce qui met le comble- à la conduite scandaleuse du gé- * néral Desfourneaux , ce qui donne fortement lieu, de croire qu’il brûloit en secret du désir criminel d’exciter une fermentation parmi les troupes coloniales, et de les porter à des extrémités fâcheuses pour venger leur honneur outragé, c’est la rédaction d’une liste odieuse, où l’on ne voyoit parmi les délinquans , parmi ceux qu’il accusoit de désertion , que des officiers et des soldats de là légion, tandis que ce corps n’a point dérogé, dans l’attaque du camp Raymond, an courage et à l’intrépidité qu’il a toujours montré sous les ordres dû général Rigaud ? ce qui est Constaté très-authentiquement par l’état nominatif des blessés conduits à l’hôpital militaire de cette ville , et par celui des-morts, qui se munie à une vingtaine' d’hommes , parmi lesquels on Voit le citoyen Bardou , sergent-major de la compagnie Romain , qui cependant êtoit porté sur la liste des déserteurs * on trouvoit aussi sur cette liste , ouvrage de la prévention et de la calomnie ; le citoyen Cotard , sergent de la'compagnie de Fran-

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çoîs Rigaid, dont le nom- se trouvé pareillement inscrit sur l’état des militaires blessés et transportés à l’hôpital.

Ce général , dont la colère fat presque l’état habituel pendant toute la campagne ,*voulut , au mépris de la loi, forcer plusieurs officiers à frapper les soldats, sur lesquels il Vouloit assouvir ses emportemens ; mais leur refus n’ayant fait que l’irriter, il tenta de punir leur modération j en faisant le geste injurieux de leur arracher leurs épaulettes.

Il falloit être retenu comme nousj’étions } par la crainte de faire naître une malheureuse affaire ? pour ne pas céder aux provocations réitérés qu’il nous faisoit de nous abandonner à l’excès de la fureur et de la vengeance que nous renfermions dans nos. cœurs.

N% XIV.

LIBERTÉ GÉNÉRALE. ÉGALITÉ PARFAITE,.

, Ibs Délégués de la Commission, du Gouvernement français, . : dans les départèmens du Sud et de l’Ouest, à S. Dominait,

Considérant que le salut du peuple est le premier devoir du Gouvernement comme la première des lois , et que dans les circonstances actuelles ? ils sont dans l’impuissance de l’opérer-

Chargent le général Rigaud de prendre les mesures couve* nables pour le rétablissement de l’ordre et de la paix, mettent ■ sous sa sauvegarde et sous sa responsabilité ; la sûreté des personnes et des propriétés, la liberté individuelle des citoyens , le dépôt sacré de la constitution et .des lois, et l’investissent des pouvoirs nécessaires pour sauver la patrie-

Signé Kirvîrseav et Le borgne-

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N°. X V.

ZïÉÉR TÉ. — £ GA tl TÉ. — RÉ P UBLIO U R FR A NÇ OISÉ;

PROCLAMATION.

André Rigaud , général de brigade t commandant en chef dans j£ département du Sud et quartiers de l'Ouest y annexés. -

Les malheureux événémens qui viennent de se passer, ayant déterminé la délégation à me charger, par sa lettre du 14 de ce mois , de prendre les mesures convenables pour le rétablissement de l’ordre et de la paix ; deux pétitions , dont l’une signée individuellement par tous les citoyens de la ville des Gayes , et l’autre par les représentans -des citoyens cultivateurs réunis, à l’Islet et à la Tourterelle, au nombre de six mille , m’investissant de tous les pouvoirs nécessaires pour rétablir l’ordre et la tranquillité ; cédant à ces diverses et pressantes réclamations de tout le peuplé, j’annonce a tous les citoyens que j’ai pris en main les rênes du gouvernement, jusqu’à ce que le rétablissement entier de l’ordre et de la paix ait mis à même de prendre les mesures et de suivre les formes prescrites par la constitution.

En conséquence , j’ordonnne :

Art, I, Tous les chefs des corps des troupes soldées les feront rentrer dans leurs quartiers respectifs ? consigneront la troupe , et ordonneront aux officiers de se tenir exactement à leurs compagnies jusqu’au rétablissement de l’ordre.

Art- IL Le commandant militaire fera commander de fartes patrouilles de dragons et d’infanterie 7 pour parcourir la ville j arrêter les hommes armés qui errent sans ordre de leurs .chefs, et les consigner à la salle de discipline, dans le quartier delà légion, sur la place d’armes. ,         - - >

Art. III, Les cultivateurs de la plaine qui se trouvent encor®

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dans la ville, seront invites par les chefs de patrouilles ; de retourner à leurs travaux ordinaires, ils seront même conduits justes sur la levée , pour s’assurer de l’exécution dudit article.

Art. IV. Tout individu gui sera rencontré dans la ville , portant au désordre ou cherchant à le provoquer , sera arrêté dé suite et conduit dans les prisons , pour être jugé conformément aux lois.

Art. V. Les citoyens et citoyennes qui ont quitté leurs maiJ sons, sont invités à y retourner, ils y seront sous la sauve-garde de la loi et de la force armée chargée de son exécution.

La présente sera imprimée, lue et affichée , partout où besoin sera ^ envoyée à toutes les municipalités et commandans militaires du département du Sud et des quartiers de l’Ouest y annexés , chargés de tenir la main à son exécution.

Fait aux Cayes , le i j fructidor j l’an quatrième de la République françoise., une et indivisible.

Signé A. R i g au d. Par le général L. P o u t

N°. X V I.

' Extrait de V arrêté du conseil populaire séant à Vhlet, ce 14 fructidor, Van quatrième de la République françoise ^ une et indivisible.

Le conseil des membres des réprésentans des citoyens- réunis à l’Islet et à la Tourterelle , a ouvert sa séance ; par suite de l’arrêté du jour d’hier, qui dit qu’on a ttendroit l’arrivée du général Rigaud j pour prendre les mesures les plus propres pour ramener l’ordre et la tranquillité..

Le conseil a arrêté et arrête :        ^

Qu’attendu son arrivée , et connoissant la confiance qu’il a su

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inspirer à tout le monde, on lui remet tous les pouvoirs pour parvenir à rétabli’ l’ordre rPaccord ét l’union parmi les citoyens.

Fait et clos par le conseil populaire ^ les jour, mois et an que dessus, et ont signé à la minute : Drouet, Demu^aine aîné 3 P il-lorge ) Joseph Bourry, H. Bleck, président 5 Dejoye ; secrétaire.

N°. XVII.

Aux Cayes, le ï^ fructidor an quatrième de la République française} une et indivisible.

N o u s 7 citoyens françois ? habitans de la ville des Cayes $ réunis en ce moment dans la maison du général Rigaud , où il nous a fait conduire lui-même pour sauver nos jours, qui étoient dans le plus grand péril, ayant vu l’arrêté de ce jour de la délégation , et conformément à ses dispositions, qui chargent le général Rigaud de sauver la chose publique , témoins de l’extré-aùité cruelle où se trouve réduits non-seulement la ville , mais la plaine et les départemens entiers du Sud et de l’Ouest.'

Considérant que le général Rigaud est le seul qui, par son influence et son autorité, puisse ramener le1 calme dans ce malheureux pays ;

Considérant qu’il n’y a pas un moment à perdre , au milieu des gémissemens plaintifs de nos femmes et de nos enfans 7 nous signons tous inviduellement la prière que nous adressons an général Rigaud ? de prendre provisoirement en main les rênes du gouvernement , et de sauver la chose publique par tous les moyens que lui suggéreront son zèle, son patriotisme ? et soit amour pour l’humanité.

Suivent un grand nombre de signatures.

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N?. XVIII.

LIBERTÉ--ÉGALITÉ. — RÉPUBLIQUE FRANÇOISE.

Extrait des minutes déposées au greffé de P administration municipale de la commune des Cay e^ Van 4 de la République françoise , une et indivisible, et le 5 èmejour complémentaire, ■

Les citoyens de la commune des Cayes, département du. Sud de Saint-Domingue , assemblés en la maison commune de cette ville ; en vertu d’une proclamation de la commission déléguée par le Gouvernement françois aux îles sous le v.ent ^ en date du 19 thermidor dernier , portant convocation des assemblées primaires dans toute la colonie , et d’un arreté de la délégation dans les depártemeos du Sud et de l’Ouest ? en date du 7 fructidor ^ relatif à ladite proclamation , et à la convocation des assemblées primaires dans lesdits départemens.

Sous la présidence provisoire du citoyen Longuefosse , le plus ancien d’âge, et le citoyen Duguer, comme le plus jeune, remplissant provisoirement les fonctions de secrétaire.

On a procédé , par la voie du scrutin 7 à la nomination d’un président et d’un secrétaire : dépouillement fait 'd’icelui ? il en est résulté que les citoyen Longuefosse et Duguer, ont été confirmés , le premier en qualité de président , et le second de secrétaire.

L'assemblée ainsi constituée 5

Vu le procès-verbal de l’assemblée des électeurs du département; du Sud réunis dans la ville des Cayes ; en date des xo et 21 germinal dernier, duquel il résulte que six députés ont été choisis et nommés au Corps législatif.

Vu pareillement la susdite proclamai ion de la cotnmission du Gouvernement françois , en date du 19 thermidor ; et l’arrêté de la délégation; en date du 7 fructidor.

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La matière mise en délibération } le tout discuté et mûrement , examiné :             i .

L’ a s s e m b l é e

Considérant que les articles 15 et 43 7 titres 3 et 4 de la Constitution, portent que le Corps législatif prononce seul sur la' validité des opérations des assemblées primaires et électorales ? et que par conséquent, nulle autre autorité n’a le droit de sus-' pendre les opérations j et de contrarier le vœu du peuple libre-: ment émis j                                                   1

Considérant que le département du Sud n’ayant point été représenté à la Convention nationale ^ que lés citoyens de ce 1 ' département n’ayant reçu , à l’époque des assemblées primaires et électorales, qui ont eu lieu dans le mois de germinal dernier, ni la liste des membres qui étoient en activité à la Convention , ni le tableau du nombre des députés que chaque assemblée électorale devoit fournir. ^ d’après les états de population, conformément aux articles 2 et 8 de la loi du 13 fructidor , on ne peut justement leur reprocher de s’être '‘conformés à la loi du ax août 1792 .( vieux style ) qui fixe à dix-huit le nombre des députés de Saint-Domingue à la Convention nationale 5 savoir , six pouf le département du Nord , six pour le département du

. Sud et six pour le département de l’Ouest ;

Considérant qu’aussitôt que les citoyens du département du Sud ont eu connoissance certaine de la constitution françoise , acceptée par le peuple François , ils n’ont pas dû attendre sa promulgation à Saint-Domingue , pour donner à la métropole

• des témoignages de leur attachement, qu’on ne sauroit leur faire un crime de leur empressement à donner à la iïière-patrie des preuves de leur amour , de leur reconhoissance et de leur sou— mission à ses lois , par la nomination de leurs députés au. Corps législatif 5 qu’ils ne peuvent être blâmés de n’avoir pas suivi des. . bases de représentation qu’ils ne connoissoient pas, ni par consé—

quent êtretaxés d’avoir eu l’intention, de s’écarter des lois des S et 13 fructidor, en ce qui concerne le nombre des députés que chaque département dévoit fournir au Corps législatif 5

Considérant que la proclamation de la commission déléguée par .le Gouvernement François aux îles sous le vent, en date du .15 thermidor, présente là violation manifeste , i°.,des articles 4 «t 5 , titre premier j — i"* de l’article 9 , titre 3 5 — 3 0. de l’article 33 , titre 45 — 40. de l’article 5i , titre 4 de la constitution , lequel dernier article prescrit une assemblée électorale dans chaque département 3

Considérant que , quoique l’île de Saint-Domingue , à cause de la cession de la partie ci-devant espagnole à la France , doive conformément à l’article 7, titre premier de la constitution , être divisée en quatre ou six départemens , il n’en est pas moins vrai qu’en attendant la division , qui sera déterminée par le Corps législatif, il existe dans la partie françoise de cete île, trois départemens, dont les limites sont parfaitement connues et peuvent, suivant l’article 4, titre premier de la constitution , être changées ou rectifiées par le Corps législatif.

Considérant qu’il n’existe aucune loi qui autorise la réunion des électeurs de plusieurs départemens en un'e seule assemblée électorale 5 que si une pareille mesure pouvoit être autorisée par la loi ? on n’auroit jamais dû , vu l’impossibilité de se rendre parterre au Cap, et les dangers que les citoyens des départe— mens de l’Ouest et du Sud courent à s’y rendre par mer, fixer l’assemblée électorale dans une ville' située à l'extrémité de là partie françoise , et qui se trouve déchirée par des factions , par des dissentions intestines , par des troubles et par une guerre civile qui ont mis la commission du Gouvernement françois daiis la, triste nécessité de déclarer , par son arrêté du premier fructidor , que le département du Nord étoit en danger^ d’où il résulte, qu’attendu que les Anglois.sont en possession du dé-

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parlement de l’Ouest ; et pour ne pas multiplier les assemblées électorales , on auroit pu se permettre 7 tout au plus , de réunir provisoirement aux départemens du Nord et du Sud ; les cantons de l’Ouest qui y sont attenans j                            : . ’

Considérant que, si au terme de la susdite déclaration du ï? thermidor ¿le défaut de municipalités en plusieurs cantons du département du Nord , dévastés par /a guerre civile , nécessite la réunion des votans dans la ville ou le bourg lé plus prochain , il n’en est pas de même dans le département du Sud 7 où tous les cantons ¿ où toutes les communes jouissent de la plus grande tranquillité ¿ et peuvent former autant d’assemblées primaires que le nombre des citoyens l’exige , conformément à l’article 19 , titre 3 delà constitution;

Considérant qu’il est difficile de concevoir comment la commission du Gouvernement françois , qui, dans sa proclamation du 19 thermidor, déclare ne point connoître. le recensement exact de la population coloniale , a pu se permettre de fixer le. nombre d’électeurs que chaque canton doit fournir et s’attribuer .à elle-même un droit qui, suivant l’article 33 du titre 4 de la constitution, n’appartient qu’aux assemblées primaires ;

Considérant qu’il n’existe pas dans le département du Sud un seul canton qui , en se conformant à l’article 3 5[de là cons-< titûtion 7 ne soit susceptible de fournir plus d’électeurs que n’en indique la proclamation , du .19 thermidor ;

Considérant qu’il est encore plus difficile de concevoir quels motifs ont pu déterminer la commisson du Gouvernement François j qui avoue elle - meme son ignorance sur la population coloniale , à indiquer cent trois électeurs pour le département du Nord et les cantons de l’Ouest y attenans , tandis qu’elle n’en indique que cinquante-six pour le département du Sud et les cantons de l’Ouest-y attenans , quoique ceux-ci. renferment une, population pins nombreuse que les autres ;   *           . ' . *

Considérant quo la précipitation avec laquelle les dernières a assemblées primaires ont été convoquées dans le département du Sud , ¡n’a pas permis aux citoyens cultivateurs, et autres de la plaine et des montagnes qui composent la presque totalité de la population de chaque canton, d’être instruits de cette convocation , et de se rendre aux lieux indiqués pour les assemblées t que par conséquent la nomination des électeurs qui s’est faite dans quelques cantons du département du Sud, n’a pu être et n’a été que le résulat du vœu de quelques citoyens domiciliés dans les bourgs ;                                     v

Considérant que la réunion des électeurs des départemens du Nord, de l’Ouest et du Sud en une seule asemblée électorale au Cap j et la précaution prise par la commission du Gouvernement françois de fixer le nombre- des électeurs que chaque^ canton doit fournir sont inconstitutionnelles : que la partialité avec laquelle elle fixe le nombre de ces électeurs , que le soin qu’on a pris de convoquer les asemblées primaires dans le département du Sud ,. de manière que la très-grande majorité des citoyens n’en fut pas instruite ? annoncent évidemment le projet de priver ce département du droit que la constitution franpoise accorde à tous les autres de nommer des députés au Corps législatif, de couvrir par ce moyen la vérité d'un voile impénétrable , et d1 ôter à la France les moyens d'etre instruite de ce qui se passe dans ce département par T organe de ses repré-

4 aentans immédiats $

Considérant enfin que les assemblées primaires et électorales qui ont eu lieu dans le département du Sud , dans le mois do germinal dernier., ont rempli, au nombre des députés près, toutes les formalités prescrites par l’acte constitutionnel ; que les nominations qui y ont été faites , présentent le résultat du Vœu de l’universalité des citoyens.

L’assemblée , en confirmant autant qu’il est en son pouvoir

'les nominations qui ont été faites par l’assemblée électorale qui < a eu lieu aux Cayes les 20 et 21 germinal dernier ? déclare sou-• mettre au jugement du Corps législatif les Opérations de ladite assemblée électorale et des assemblées primaires qui l’ont précédée. Déclare pareillement s’en rapporter au Corps législatif pour le nombre des députés du département du Sud , qui doivent être admis dans son sein ? et pour le choix des membres de la Convention nationale qui doivent être réélus pour compléter 1b - Corps législatif, conformément aux lois des 5 et 13 fructidor.

Proteste contre la réunion des électeurs des départemeus du Nord , de l’Ouest et du Sud en une seule assemblée électorale 5 contre toute nomination de députés et autres opérations de ladite assemblée électorale qu’on voudroit présenter comme le /résultat du vœu des citoyens du département du Sud.

Invite le général Ri g aud, commandant en chef le département du Sud et quartiers de l’Ouest y annexés j en vertu des pouvoirs à lui donnés par les délégués de la commission du Gouvernement , et par les communes du département, à prendre lés mesures nécessaires pour faire rendre en France les députés nommés ‘ par l’assemblée électorale , qui a eu lieu dans la ville des Cayes , les 20 et 21 germinal dernier , et de pourvoir , de la manière qui paroîtra la plus prompte et la plus convenable, aux dépenses 7 tant pour le bâtiment qui doit les transporter ? qu® pour leurs frais personnels.

Arrête que la présente délibération sera livrée à l’impression , que copie d’icelle sera envoyée au Corps législatif, au Directoire exécutif, à ses délégués aux îles sous le vent ? à’ tous les cantons et communes du département du Sud , de même qu’à ceux de l’Ouest attenans à celui du Sud.

Fait et clos en séance les jours ? mois et an que dessus , et ont . signé en la minute :

Suivent un grand nombre de signatures*

•N«. Z I X.

EXTRAIT des registres des déclarations de la municipalité d’Aquin.

Aujourd’hui 6 vendémiaire , l’an 5 de la République Françoise ,, une et indivisible y est comparu le citoyen G A Y e > cadet ? lequel a fait la déclaration suivante :

Qu’étant nommé électeur de la paroisse , et voyant ? avec surprise , qu’étant réunis au Cap , Jean-Pierre Michel, général de brigade ? électeur du haut du Cap y dit en pleine assemblée : Que si l’on ne nommoit pas Lavaux et Sonthonax députés au Corps législatif , il acheveroit d’incendier la ville du Cap ; que pour cet effet ? il y venoit avec une escorte de cinquante ou soixante dragons, pendant la tenue de l’assemblée , afin d’en imposer au parti contre , et que les électeurs ayant vu qu’une obstination de leur part auroit pu occasionner le malheur de tous leurs concitoyens du Nord, ils ont préféré adhérer à leurs désirs ? réservant le droit de protester contre une telle nomination, présente déclaration faite pour sèrvir et valoir ce que de droit î

Signé au registre, G a y e ? cadet.

Collationné Louis M e n d É s ? Secrétaire.

Pareille protestation a été faite par tous les cantons des dé-partemens du Sud et de l’Ouest, et par tous les électeurs desdits cantons.          /

Je certifie et j’atteste Vexistence des Pièces ci-dessus conformes aux originales j que j’offre d’exhiber en cas de besoin. A Parj[s} le premier messidor t an sixième de la République Françoise , une et indivisible.

Sig BONNET.

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De l’Imprimerie de J.Æ<>S^ït|; r^ouBacq; n°. 149.